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histoire de saint augustin.

ou de Térence se présentent à sa mémoire au profit de l’intérêt religieux qu’il poursuit ; il se peint dans toutes ses réminiscences des études d’autrefois, et jusque dans sa façon de rappeler aux règles de la versification latine.




CHAPITRE QUARANTE-UNIÈME.




Les sermons de saint Augustin[1].

Arrêtons-nous ici pour connaître, de plus près que nous ne l’avons fait jusqu’à présent, un des côtés importants de la vie de l’évêque d’Hippone. Nous avons été amené plus d’une fois à citer des discours ou homélies d’Augustin, à caractériser sa manière de prêcher, mais nous ne sommes pas entré assez profondément dans l’esprit qui animait ce grand homme lorsqu’il prenait la parole au milieu d’un auditoire chrétien, et nous n’avons pas fait respirer suffisamment le parfum de cette éloquence si pénétrante et si douce.

Nous ne pensons pas qu’on doive imposer à l’éloquence chrétienne une forme dont elle ne puisse s’affranchir. Chaque orateur évangélique parle d’après son esprit, d’après les mouvements de son cœur ; la chaire catholique produit de salutaires effets avec des moyens différents. Outre la diversité des intelligences et des caractères, il est une diversité des temps dont il faut tenir compte. La langue, les mœurs, les dispositions morales d’une époque sont à considérer. Bourdaloue, Massillon et Bossuet ne prêchaient pas comme saint Cyprien, saint Athanase, saint Chrysostome, saint Augustin ; nos meilleurs orateurs contemporains ne distribuent pas les divins enseignements à la façon de saint Bernard ou de Foulques de Neuilly. Le seul devoir imposé à tout orateur chrétien et dans tous les temps, c’est l’exactitude religieuse, c’est le désir d’accomplir le bien.

Le complet oubli de soi forme le trait saillant de la physionomie de saint Augustin. Son soin principal était de détourner de lui les regards des hommes. « On ne vit jamais, dit un de ses biographes, un grand homme plus petit, et une lumière plus amoureuse des ténèbres[2] ». Avec cette constante préoccupation, comment Augustin, en présence des fidèles qui l’écoutent, songerait-il à gagner l’adoration par l’art et la méthode, par les ornements du langage ? Savez-vous ce qu’il dit d’abord à son auditoire ? Il recommande sa faiblesse aux prières de ceux qui sont venus l’entendre, et confesse son ignorance ; l’évêque se déclare serviteur et non pas père de famille en lui tout est pauvreté, mais il puise dans le trésor du Seigneur ; il a peu de forces, mais n’ignore pas que la parole de Dieu en a de grandes. On est saisi d’un sentiment indéfinissable en entendant Augustin dire à son peuple : « Dieu sait avec quel trembleraient je me tiens en sa présence, quand je vous parle. »

À voir l’extrême simplicité de ses sermons instructions ou homélies, il semble qu’Augustin n’ait pas voulu mêler les accents humais aux accents de la divine majesté. Le saint pasteur fait parler le ciel et juge la voix de la

  1. Nous trouvons les sermons de saint Augustin rangés en ordre dans le tome V de ses œuvres (édit. des Bénéd.) ; ils sont partagés en cinq classes. La première classe renferme cent quatre-vingt trois sermons sur l’Écriture sainte ; la seconde, quatre-vingt-huit sermons sur les principales fêtes de l’année ; la troisième, soixante-neuf sermons sur les fêtes des saints ; la quatrième, vingt-trois sermons sur divers sujets ; la quatrième classe contient trente et un sermons qui peuvent ne pas appartenir à saint Augustin. Les Bénédictins ont placé dans un appendice au tome v trois cent dix-sept sermons faussement attribués à l’évêque d’Hippone. Nous avons donc trois cent soixante-trois sermons, sans compter quelques autres, tels que les sermons sur la Prise de Rome', sur l’Utilité du jeûne, sur la Discipline chrétienne, qui ont été prononcés par le grand docteur, soit à Hippone, soit à Carthage. Une analyse de ces discours remplirait un volume. Les sermons de saint Augustin n’ont pas une grande étendue, ce qui s’explique par la coutume des fidèles de les écouter debout. On recueillait les instructions du saint évêque à mesure qu’il les prononçait ; puis il les revoyait, et retranchait ou augmentait selon qu’il le jugeait convenable.
  2. Godeau, Vie de saint Augustin, liv. ii, chap. 22.