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histoire de saint augustin.

était ce même Émerite qui avait plaidé la cause du parti de Donat dans la célèbre conférence de Carthage. Au milieu du retour à l’unité qui s’accomplissait sur tous les points de l’Afrique, Émerite demeurait attaché à son erreur, et retenait dans le schisme beaucoup de chrétiens de Césarée. Il paraît qu’il était absent ou fugitif au moment de l’arrivée d’Augustin. Le 18 septembre on vint avertir le saint évêque du retour d’Émerite ; Augustin, sublime ouvrier de paix, s’empressa d’aller le chercher ; il le trouva sur la place publique. Après lui avoir fait entendre que ce lieu était peu propice à un grave entretien, il l’invita à se rendre à l’église des catholiques ; Émerite suivit Augustin. La foule, mêlée de catholiques et de donatistes, n’avait pas tardé à remplir l’église.

L’évêque d’Hippone, en présence de la multitude rassemblée, cédant à tous les sentiments qui pressaient son âme, parla avec effusion de la charité, de la paix et de l’unité catholique. Il s’adressait tour à tour au peuple et à Émerite ; ravis et convaincus, les fidèles interrompaient l’orateur pour demander qu’Émerite revînt sur-le-champ à l’unité. Augustin répondait aux interruptions par des paroles pleines de mansuétude, et renouvelait l’offre de recevoir comme évêques de l’église catholique les évêques donatistes qui renonceraient au schisme. Au nom d’Euthérius, évêque catholique de Césarée, Augustin promettait à Émerite la même faveur. Parmi les donatistes assistants, il y en avait qui ne croyaient pas qu’on pût rentrer dans l’unité catholique sans la réitération du baptême, et sans une nouvelle ordination, si on appartenait au sanctuaire. Augustin les instruisait et leur faisait comprendre que c’était au nom de Jésus-Christ, et non pas au nom de Donat, qu’on avait imposé les mains ou conféré le baptême. Le soldat déserteur est coupable, mais le caractère qu’il porte n’est pas le sien, c’est celui de l’empereur. Donat, en désertant l’unité catholique, n’a point baptisé en son nom, il a imprimé à ceux qu’il a baptisés le sceau de son prince, c’est-à-dire de son Dieu.

En terminant son discours, Augustin espérait de la miséricorde de Dieu la conversion d’Émerite, et invitait le peuple à la demander par ses prières.

L’évêque donatiste restait rebelle à l’appel fraternel d’Augustin. Cette persistance eût pu motiver son expulsion de la ville, ou quelque mesure sévère contre lui ; mais Augustin, qui comptait sur une prochaine conversion, obtint un délai pour Émerite et protégea son séjour à Césarée.

Le cœur d’Augustin, embrasé des flammes de la charité, ne pouvait laisser inachevée l’œuvre commencée. Le 20 septembre, on se réunit pour une conférence ; Augustin, Alype, Possidius, Rustique de Cartenne, Pallade de Sigabile, d’autres évêques, le clergé de la ville et une multitude de chrétiens étaient présents ; Émerite s’était rendu à la conférence ; des notaires étaient chargés de recueillir ce qui se dirait. L’évêque d’Hippone prit la parole au milieu d’un respectueux silence. S’adressant à ceux qui avaient toujours été catholiques, à ceux qui étaient revenus de l’erreur des donatistes et à ceux qui doutaient encore, il raconta comment, deux jours auparavant, il avait rencontré Émerite et l’avait invité à se rendre à l’église : comment il avait cherché à ramener les auditeurs à des pensées de paix et d’unité ; Augustin ajouta que l’évêque donatiste avait persisté dans sa séparation, et que la présence d’Émerite dans l’assemblée de ce jour devait servir au bien. Le. grand docteur ne laissa pas ignorer à la foule qui l’écoutait les magnifiques fruits de conversion opérés d’un bout de l’Afrique à l’autre, et l’élan général des populations africaines pour cette unité religieuse trop longtemps brisée ; il alla au-devant de cet argument des vaincus, savoir, que la sentence du juge dans la célèbre conférence de Carthage avait été le prix de l’or des catholiques ; il montra aussi combien il était faux que les donatistes n’eussent pas été libres de se faire entendre.

« Vous avez assisté à la conférence de Carthage, dit Augustin à Émerite ; si vous y avez perdu votre cause, pourquoi êtes-vous venu ici ? Si vous ne croyez pas l’avoir perdue, dites-nous par où vous croyez la devoir gagner. Si vous croyez n’avoir été vaincu que par la puissance, il n’y en a point ici. Si vous sentez que vous ayez été vaincu par la vérité, pourquoi rejetez-vous encore l’unité ? »

Émerite répondit : « Les actes montrent si j’ai perdu ou gagné, si j’ai été vaincu par la vérité ou opprimé par la puissance. » — Pourquoi donc êtes-vous venu ici ? dit Augustin à l’évêque donatiste. Cette réponse, plu-