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histoire de saint augustin.

le monde visible ; pourquoi les hommes des premiers temps du monde vivaient si longtemps ; en quel lieu a pu vivre Mathusalem, qui, d’après plusieurs versions de la Bible, survécut au déluge sans avoir été sauvé dans l’arche de Noé. On peut penser ce qu’on veut sur ces divers points et d’autres semblables, mais il n’en est pas de même du péché originel. L’évêque d’Hippone fait consister la foi chrétienne dans la cause de deux hommes qui sont Adam et Jésus-Christ :

« Par l’un, dit-il, nous avons été vendus sous le péché ; par l’autre, nous nous sortîmes rachetés des péchés ; par l’un, nous avons été précipités dans la mort ; par l’autre, « nous sommes délivrés pour aller à la vie. Le premier nous a perdus en lui, en faisant sa propre volonté et non pas la volonté de celui qui l’avait créé ; le second nous a sauvés en faisant, non point sa volonté, mais la volonté de celui qui l’avait envoyé. Il n’y a qu’un Dieu et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme. »

Le péché originel est donc un dogme fondamental de notre foi. Augustin parle des anciens justes qui, contrairement aux opinions de Pélage et de Célestius, n’ont pu être sauvés que par la foi dans le médiateur, et multiplie, en finissant ce deuxième livre, les témoignages de saint Ambroise en faveur du péché originel et de la grâce de Jésus-Christ. Il faut ou que Pélage condamne son erreur, ou qu’il se repente d’avoir loué saint Ambroise.

Le séjour de Pélage en Palestine avait altéré les croyances, et surpris la bonne foi de beaucoup de chrétiens. Les ruses du moine voyageur avaient fait des ravages à Jérusalem, à Diospolis ou Lydda, à Ramatha, à Césarée. Il importait que ces pays, traversés chaque année par une foule de pèlerins, apprissent la vérité tout entière sur Pélage et Célestius, sur les écrits et les actes qui avaient motivé et précédé leur condamnation. Les deux livres d’Augustin à Albine, à Pinien, à Mélanie, allaient au-devant de tout, répondaient à tout et mettaient l’Orient en pleine connaissance de la question.




CHAPITRE QUARANTIÈME.




Césarée, aujourd’hui Cherchell. — Conférence de saint Augustin avec Émerite, évêque donatiste de Césarée. — Abolition d’une sanglante coutume de cette ville à la suite d’un discours de saint Augustin. — Traits de mœurs de la société de cette époque.

(418.)


À vingt lieues à l’ouest d’Icosium, aujourd’hui Alger, s’élevait aux bords de la mer une ville, qui ne le cédait qu’à Carthage en magnificence et en étendue : c’était Julia Césarée. Son enceinte, dont on peut suivre encore les traces, offrait plus de trois lieues de circuit. La dévastation n’a pas été aussi profonde, aussi complète à Césarée qu’à Carthage ; de magnifiques colonnes, mille vestiges d’une grandeur antique étonnent encore les regards ; si on en juge par tous les précieux débris que chaque jour révèle, on peut même croire que Césarée était pour les Romains un lieu de prédilection, et qu’ils se plaisaient à la faire resplendir de tout l’éclat des monuments et du luxe des arts. La beauté du site explique cette prédilection des maîtres du monde ; maintenant encore de riches vergers couvrent tout le versant de Césarée ; des champs fermés par des haies de cactus y étalent leur fécondité. Les environs ne présentent que vignes et jardins, Césarée n’attirait pas seulement par ses coteaux fertiles et ses ravissants paysages ; sa position était formidable. Du côté de la terre, on ne pouvait arriver à la ville que par deux défilés d’une très-facile défense ; le côté de la mer présentait seul quelque chance de succès à l’invasion ; et, du reste, un mur de quinze mètres de hauteur suivait, sur un espace de plus de trois mille mètres, toutes les sinuosités du rivage.