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histoire de saint augustin.

enfants morts sans baptême y est traitée en quelques mots ; là, comme en d’autres écrits, le docteur se prononce pour une peine, mais pour une peine légère[1]. Il renvoie Pierre et Abraham à ses ouvrages, afin de ne pas être obligé de répéter ce qu’il a dit. En parlant des païens, Augustin rappelle qu’il s’est beaucoup occupé d’eux dans la Cité de Dieu, œuvre qui n’était point encore achevée.

Lorsque je voyageais à travers les pays de l’ancienne Afrique chrétienne, et que les paroles de Tertullien et de saint Cyprien, d’Augustin et d’Aurèle, d’Alype et de Possidius, des deux Optat et de Sévère me revenaient à la mémoire, j’étais saisi du contraste de ces voix éloquentes et de ces déserts muets. Je rapportais les œuvres aux lieux qui les avaient produites, et ces lieux ne les comprenaient pas, ne les reconnaissaient pas ; ils gardaient devant elles une morne immobilité. Ainsi le cadavre d’un penseur illustre resterait insensible et froid, si on venait admirer en sa présence ses livres immortels. Depuis douze ou treize siècles, les grands hommes de l’Afrique sont devenus comme des étrangers dans leur patrie. Au nom d’Augustin ces contrées ne vous répondent point ; on n’entend que le bruit de la mer sur les rivages, et, dans les montagnes, le bruit des sapins, des cèdres et des chênes ; mais le souffle de la France, souffle chaud et fécond, a passé sur la terre d’Afrique ; il y demeure, et de sa puissante énergie doit y renaître une civilisation chrétienne.




CHAPITRE TRENTE-HUITIÈME.




Le pape Zozime et les pélagiens. — Persévérance des évêques d’Afrique. — Les deux conciles de Carthage. — Condamnation des pélagiens dans l’univers catholique.

(417-418.)


Le pape Innocent, mort le 12 mars de l’année 417, avait été remplacé par Zozime, célèbre dans l’histoire de cette époque pour avoir tenu un moment le monde chrétien incertain entre l’Église africaine et le siège apostolique. La Providence permit qu’un peu de nuée environnât la chaire de Pierre, pour que l’univers y vît rayonner ensuite avec plus de joie le soleil de la vérité religieuse. Il faut bien considérer d’ailleurs que toutes les subtilités de la ruse accompagnaient l’expression des idées pélagiennes. Les meilleurs esprits pouvaient s’y tromper.

L’erreur et le mensonge ne reconnaissent jamais leurs défaites et en appellent toujours à des jugements nouveaux. La doctrine pélagienne, foudroyée par les anathèmes de Carthage et de Rome, releva la tête à l’avènement d’un nouveau pape ; elle espérait gagner quelque chose à un changement de pontife. Venu à Rome après avoir été chassé de Constantinople, Célestius interjeta appel des jugements sous le poids desquels il était resté ; il adressa au pape un mémoire (libellum)[2], sorte de profession de foi qui n’était pas de nature à changer sa position comme novateur ; d’un côté, il confessait qu’il fallait baptiser les enfants pour la rémission des péchés, selon la règle de l’Église universelle et l’enseignement de l’Évangile, reconnaissant comme nécessaire de suppléer à la faiblesse de notre nature par le bénéfice de la grâce ; de l’autre, il niait le péché originel ; Célestins ne jugeait pas conforme à la doctrine catholique la transmission du péché par les parents ; « le péché, disait-il, ne peut être qu’un délit de notre volonté et non pas de notre nature. » Le disciple de Pélage étai fort clair sur ce point. La présence du siège apostolique ne l’intimidait point. Le saint évêque d’Hippone qui n’a que des paroles de vénération pour Zozime, nous dit que le souverain pontife, voyant Célestins se jeter en furieux

  1. Minima poena, non tamen nulla.
  2. On en trouve des fragments dans le deuxième livre du Péché originel, tome X.