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chapitre trente-septième.

sait qu’à une dure nécessité ; la puissance persuasive de la parole précédait toujours la rigueur des lois.

Nous avons dit et redit ailleurs tout ce qu’avait fait l’évêque d’Hippone pour dérober les donatistes à la verge temporelle. La lettre au comte Boniface est un monument digne d’attention ; elle motive le recours aux décrets impériaux, et précise dans quelle mesure l’évêque d’Hippone consentait à user de l’assistance des princes, pour amener au festin de l’unité les hommes qui cheminaient le long des haies et des grands chemins de l’hérésie.

Augustin, dans cette lettre, venge les fidèles du reproche de cupidité et d’ambition que les donatistes leur adressaient ; les biens des hérétiques avaient été, il est vrai, réunis aux biens des Églises catholiques ; mais sans compter que ces propriétés étaient le patrimoine des pauvres, les catholiques ne cessaient de presser les donatistes de revenir à l’unité pour rentrer à la fois dans la possession de leurs biens et des dignités ecclésiastiques : qu’est-ce qu’une cupidité qui supplie qu’on entre en partage de ses trésors ? Qu’est-ce qu’une ambition qui cherche par tous les moyens possibles des compagnons de sa grandeur ? Les lois de l’Église avaient établi que la pénitence pour quelque crime fermait tout chemin à la cléricature ; et pourtant dans l’affaire des donatistes, l’Église avait relâché quelque chose de la sévérité de sa discipline, pour épargner aux peuples de grands maux ; le seul repentir rouvrait la route des honneurs ecclésiastiques à ceux du parti de Donat. Il y avait dans une telle conduite de la part des catholiques, de solennelles preuves, de fortes garanties de miséricorde et d’amour pour la paix. Mais nous avons épuisé la question en de nombreux chapitres, et nous défions tout esprit élevé et sincère de trouver des torts sérieux aux catholiques dans cette grande querelle africaine.

Saint Paulin est un des hommes éminents de l’Église qui avaient donné leur amitié à Pélage avant qu’il enseignât ses erreurs ; le novateur breton avait produit en Palestine des lettres de l’illustre évêque de Nole, pour abriter ses doctrines sous ce nom révéré. Augustin le tendre ami de Paulin, ignorait l’état et le caractère des relations de son collègue de la Campanie avec Pélage depuis sa condamnation, il connaissait par les lettres de l’évêque de Nole la pureté de sa foi, ses gémissements sur la misère de la nature humaine, ses tristesses d’avoir effacé en lui par la corruption l’image de l’homme céleste, ses plaintes de la guerre intestine livrée entre l’esprit et la chair, et son aveu de la profonde décadence de la race d’Adam[1]. Mais Augustin tenait à mettre en garde son ami contre le poison du pélagianisme, et à lui fournir les moyens de plaider la cause de la grâce devant ses ennemis. Il lui écrivit[2] donc pour raconter tout ce qui s’était passé depuis les premiers actes de la Palestine, et pour établir fortement la doctrine de la grâce chrétienne. Afin de donner à sa lettre plus d’autorité, Augustin joignit à son nom celui de son cher Alype, par qui Paulin avait d’abord connu l’évêque d’Hippone.

Notre docteur parle avec douceur de Pélage, qu’on a, dit-il, surnommé le Breton[3] pour le distinguer de Pélage de Tarente ; il l’aimait autrefois et il l’aime encore ; auparavant il chérissait dans Pélage un homme dont il supposait les croyances pures ; maintenant il le chérit en souhaitant que la divine miséricorde le délivre de ses idées contre la grâce. Longtemps Augustin avait refusé de croire à la renommée qui accusait Pélage, car les bruits de la renommée sont souvent des mensonges ; la lecture d’un livre de Pélage lui a tout révélé. On voit, par cette lettre du grand évêque, que l’hérésiarque breton avait écrit depuis sa condamnation ; quelques variations s’étaient introduites dans sa doctrine, mais il continuait à nier la grâce, sans laquelle le libre arbitre ne peut éviter le péché, selon la théologie catholique. Augustin invite à prier pour Pélage et pour ceux qui le suivent. Le ton de cette lettre est d’une douceur infinie ; on y sent une secrète puissance qui entraîne à aimer la vérité ; c’est quelque chose qui part du ciel et qui ravit la terre.

Peu de temps après la lettre de Paulin, l’évêque d’Hippone répondait à Dardanus, préfet du prétoire des Gaules. L’histoire nous apprend que Dardanus se déclara contre Jovien, usurpateur de l’autorité impériale ; vaincu à Valence par Ataulfe, roi des Goths, l’usurpateur prisonnier fut livré à Dardanus, qui lui fit subir le dernier supplice. La postérité est embarrassée sur le jugement qu’elle doit porter

  1. Lettre de saint Paulin à Sévère.
  2. Lettre 186.
  3. Britonem.