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histoire de saint augustin.

restait donc à remplir. Augustin était le seul homme de cette époque qui fût à la hauteur d’une telle œuvre ; or, nul n’a jamais rien dit ni rien écrit d’aussi fort, d’aussi profond, d’aussi frappant sur la Trinité ; tous ceux, sans exception, qui depuis lors ont parlé de ce point fondamental de notre foi, n’ont fait que reproduire les pensées de l’évêque d’Hippone[1]. Cassiodore vantait l’élévation du Traité sur la Trinité, à la lecture duquel il fallait apporter, disait-il, beaucoup d’application et de pénétration ; Gennade[2], exprimant son admiration par une image empruntée aux livres saints, disait qu’Augustin avait été introduit dans la chambre du roi et revêtu de la robe de la sagesse divine. Dans les derniers livres de cet ouvrage, le génie philosophique d’Augustin se produit avec plus de puissance que dans aucun autre travail de ce grand homme.

On n’attend pas de nous une analyse. Très-abondante et très-détaillée d’un ouvrage qui se compose de quinze livres ; mais, selon notre méthode, nous en donnerons la fleur et les plus saillantes idées. Notre grand but, notre grand espoir est de mettre le génie et les œuvres d’Augustin à la portée de toute intelligence.

Les premières lignes de cet ouvrage nous avertissent qu’il s’agit de repousser les calomnies de ceux qui sont trompés par un malheureux amour de la raison. L’auteur distingue trois sortes de fausses opinions sur la Divinité : la première donnait à Dieu des proportions et des qualités corporelles ; la seconde lui donnait les proportions et les qualités de l’intelligence humaine ; la troisième opinion, voulant affranchir l’idée de Dieu de tout point de ressemblance avec les choses créées, esprit ou matière, se perdait dans un abîme d’absurdités. Quand l’Écriture nous représente Dieu sous des formes visibles ou avec des sentiments humains, elle descend au niveau de la faiblesse de notre esprit et nous offre des degrés pour monter peu à peu à la hauteur divine. Augustin expose le sujet de son ouvrage : démontrer que la Trinité est un seul et vrai Dieu, que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont une même substance ou plutôt une même essence ; prouver par l’autorité des Écritures que c’est là l’enseignement de la foi, et répondre ensuite aux objections de tout genre qui sont faites contre le mystère de la Trinité.

« Celui qui lit ces choses, dit Augustin, quand il se croira dans la certitude, qu’il marche avec moi ; quand il hésitera, qu’il cherche avec moi ; quand il reconnaîtra quelqu’une de ses erreurs, qu’il revienne à moi ; et s’il trouve que je sois dans l’erreur moi-même, qu’il me reprenne. Entrons ensemble dans la voie de la charité, tendant vers celui de qui il a été dit : Cherchez toujours sa face[3]. » Il ajoute que si quelqu’un blâme ce qu’il aura dit, parce qu’il ne le comprend pas, il doit s’en prendre à ses expressions et non point à sa foi : nul homme n’a jamais parlé de manière à être compris de tous en toutes choses.

La foi enseigne que les trois personnes de la Trinité sont inséparables dans toutes les opérations divines. Cependant, dira-t-on, on a entendu la voix du Père qui n’était pas la voix, du Fils ; c’est le Fils qui est né dans la chair, qui a souffert, qui est ressuscité et qui est remonté au ciel ; c’est l’Esprit saint qui est descendu sous la forme d’une colombe. Comment la Trinité est-elle inséparable dans des opérations aussi distinctes ? De plus, on demande comment le Saint-Esprit fait partie de la Trinité, puisqu’il n’a été engendré ni du Père ni du Fils et qu’il est l’esprit de tous les deux.

Augustin établit d’abord, par les témoignages de l’Ecriture, que Jésus-Christ, le Verbe fait chair, est Dieu, qu’il est de même nature que le Père, qu’il accomplit les mêmes merveilles, qu’il a créé tout ce qui existe, qu’il a ressuscité les morts. Il montre, par le témoignage de saint Paul, que l’Esprit-Saint est Dieu, que nous sommes ses temples, et que nous lui devons le culte de latrie[4] comme au Père et au Fils. Viennent ensuite les objections.

Mon père est plus grand que moi, dit le Sauveur, dans l’Évangile de saint Jean[5]. Il dit dans l’Évangile de saint Matthieu : Si quelqu’un parle contre le fils de l’homme, il lui sera remis ; mais s’il parle contre le Saint-Esprit, il ne lui sera remis ni en ce siècle ni en l’autre. Ces mots semblent établir de l’inégalité entre les trois personnes divines, mais

  1. Suarès, Thomassin, Petau, ont écrit de savants, traités sur la sainte Trinité. Bossuet, dans son sermon sur ce mystère, reproduit les principales idées de saint Augustins et les complète avec la puissance qui lui est propre. Voir la Vie de saint Athanase, par Malher. M. H. Martin, dans ses études sur la Trinité, a fort bien disserté sur la trinité platonique.
  2. Chap. 38, De script. eccles.
  3. Ps. CIV, 4.
  4. Λατρεία.
  5. XIV, 28.