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histoire de saint augustin.

ment que Dieu est surtout glorifié par ces sortes de créatures, lorsque des êtres intelligents les contemplent.

L’illustre docteur, selon les temps, les circonstances et l’inspiration, commentait en présence des fidèles tel ou tel psaume, et, plus occupé d’instruire que de briller, il tirait de chaque parole de David d’abondantes et d’utiles leçons. Il recula longtemps devant le psaume 118, tant lui avaient paru profonds les mystères renfermés dans ce cantique ! Ce fut le dernier qu’il commenta ; l’explication des cent cinquante psaumes s’achevait ainsi en 416. Possidius observe que les commentaires dictés sont les plus courts ; on a remarqué aussi que ceux-là offrent le moins d’animation. Le cœur et le génie d’Augustin se répandaient mieux devant la multitude qui l’écoutait. La parole de l’évêque embrasait alors les fidèles, comme la parole du Sauveur embrasait le cœur de ses disciples attentifs à l’explication des Écritures. Saint Fulgence conçut le dessein de quitter le monde en lisant le commentaire du psaume 36, où le grand docteur retrace les terreurs du jugement dernier. Le travail sur les Psaumes a été fait d’après la version des Septante ; Augustin ne possédait pas encore la version de saint Jérôme, l’étude du texte des Septante, la comparaison des éditions latines et des diverses leçons précédaient ses propres commentaires ; le docteur s’attache d’ordinaire au sens allégorique et spirituel. Oserait-on lui reprocher de n’être pas toujours conforme au sens du texte hébreu, tel que l’a reproduit saint Jérôme ? Quelques inexactitudes pour le sens littéral sont d’un poids bien léger à côté de ces trésors de pensées et de préceptes de morale répandus à pleines mains. L’obscurité des Écritures, au lieu d’enchaîner la marche d’Augustin, l’aide en quelque sorte à multiplier les richesses de ses enseignements salutaires.

Cassiodore, dans le prologue de ses commentaires sur les Psaumes, avoue qu’il a eu souvent recours au grand évêque d’Hippone au milieu des incertitudes de son travail, et qu’il a tiré des ruisseaux de cette mer. Il applique à Augustin ce qui a été dit d’Homère sur la difficulté de lui arracher quelque chose de ses pensées. « Augustin, ajoute Cassiodore, est un maître illustre dans tous les genres, et, ce qui est rare dans la fécondité, il est prudent dans la dispute. Il coule comme une fontaine d’eau pure que rien ne souille ; mais s’avançant toujours dans l’intégrité de la foi, il ne laisse aux hérétiques aucun moyen de résistance ; on le trouve tout catholique, tout orthodoxe ; et, resplendissant du plus doux éclat dans l’Église du Seigneur, il se montre à nous, environné des rayons mêmes de la divine lumière. »

Boccace avait envoyé à Pétrarque l’explication des Psaumes par Augustin ; Pétrarque, ravi, le remerciait de ce présent magnifique et insigne dans une lettre[1] mémorable : « Désormais, lui dit-il, je naviguerai avec plus de sûreté sur la mer de David ; j’éviterai les écueils ; je ne serai épouvanté ni par les flots des expressions ni par le choc des phrases a qui se brisent. » Le divin génie d’Augustin sera son guide et son appui au milieu des tempêtes de cette mer si difficile. L’esprit et le zèle d’Augustin apparaissent à Pétrarque comme des prodiges dont sa raison est confondue ; cet homme longtemps charmé par les choses de la terre, connaissant tout à coup si profondément les choses du ciel, cet Africain maniant avec tant de puissance la langue romaine, cette incomparable fécondité au milieu des embarras des devoirs épiscopaux, sont pour Pétrarque des sujets de stupeur ; il dit à son ami qu’il ne peut détacher ses yeux de l’ouvrage de l’évêque d’Hippone, et qu’il en dévore les beautés nuit et jour.

En exprimant son admiration pour les commentaires d’Augustin sur les Psaumes, Pétrarque a exprimé la nôtre, et nous nous taisons après lui.

  1. Epist. variar. XXII.