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chapitre trente-deuxième.

nouvelle avec la maison d’Israël et la maison de Juda, alliance bien différente de celle qu’il avait faite autrefois avec les Juifs lorsqu’il les tira de l’Égypte. La nouvelle alliance est marquée en beaucoup d’endroits de l’Ancien Testament, mais nulle part avec autant de précision que dans ce passage du prophète d’Anathot. Augustin fait remarquer que l’ancienne loi n’était pas un remède suffisant pour l’homme corrompu ; elle se bornait à l’instruire en le menaçant ; la loi nouvelle renouvelle l’homme et le guérit de son ancienne corruption. L’ancienne loi ne promettait que des biens terrestres, la loi nouvelle promet la vue de Dieu, selon la prédiction expresse de Jérémie : « Tu connaîtras le Seigneur depuis le plus petit jusqu’au plus grand. » Ce qui doit s’entendre de tous ceux de la maison spirituelle d’Israël et de Juda, qui sont les descendants d’Isaac et la postérité d’Abraham.

« Ce sont là les enfants de la promesse, dit Augustin, et ils le sont, non par leurs propres œuvres, mais par la grâce de Dieu. Autrement la grâce ne serait plus grâce, comme parle celui qui a si fortement établi la grâce, je veux dire celui qui se nomme le moindre des apôtres, quoiqu’il ait plus travaillé qu’eux tous : non lui, mais la grâce de Dieu qui était avec lui. »

La nouvelle alliance a encore besoin de prophéties, du secours des langues, de la multiplicité des signes ; mais lorsque les misères d’ici-bas auront fait place à un état parfait dans un autre monde, nous verrons dans sa propre essence Celui qui, revêtu de chair, se rendit visible aux yeux de la chair ; nous posséderons l’éternelle vie par la connaissance du seul vrai Dieu, et nous serons semblables à Dieu, parce que nous le connaîtrons comme il nous connaît. Augustin explique ce qu’on entend par les grands et les petits du royaume du ciel même dans le ciel il y a divers degrés de sainteté, comme dans notre firmament il y a des astres d’un éclat inégal. Mais tous les bienheureux du paradis jouiront de la vision de Dieu.

Revenant à la justification gratuite par la grâce sans les œuvres de la loi, le grand évêque dit que l’effet de l’esprit de grâce, c’est de retracer en nous l’image de Dieu, à laquelle nous avions été primitivement formés, et que le mal avait gravement altérée.

Augustin répond aux pélagiens qui voyaient dans la grâce chrétienne la destruction du libre arbitre ; il montre que la grâce, au contraire, établit le libre arbitre comme la foi établit la loi ; la grâce, en guérissant l’âme humaine, lui rend l’amour de la justice et replace la volonté dans l’équilibre primitif. Le docteur soutient que la foi est un don de Dieu, que tout pouvoir vient de Dieu, mais que Dieu, en donnant ce pouvoir, n’impose aucune nécessité. Si la volonté de croire vient de Dieu, tous les hommes, dira-t-on, devraient l’avoir, puisque Dieu appelle tous les hommes au salut. Augustin répond que le libre arbitre étant placé dans une sorte de milieu entre la foi et l’infidélité, il peut s’élever vers l’une ou se précipiter dans l’autre ; que la volonté même par laquelle l’homme croit en Dieu sort du fond de ce libre arbitre donné à l’homme au moment de sa création, en sorte que le libre arbitre et la volonté de croire lui viennent de Dieu. Or, Dieu appelle tous les hommes au salut et à la connaissance de la vérité, mais sans leur ôter le libre arbitre, dont le bon ou le mauvais usage fait la moralité des œuvres.

L’évêque d’Hippone observe que la volonté de croire vient de Dieu, en ce sens aussi que Dieu, par sa lumière et sa persuasion, agit pour nous faire vouloir et nous faire croire ; il agit au dehors par les instructions, au dedans par des mouvements secrets que nous sentons malgré nous, mais qu’il nous appartient de suivre ou de repousser : la volonté humaine consent ou ne consent pas à la vocation de Dieu. « Si quelqu’un demande, continue l’illustre Père, pourquoi l’un est persuadé des vérités qu’on lui prêche, et pourquoi l’autre n’en est pas persuadé, il ne me vient dans l’esprit que ces deux choses à lui répondre avec l’Apôtre : O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! combien ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables[1] ! Y a-t-il est Dieu de l’injustice ? Si cette réponse ne lui plaît pas, qu’il cherche des hommes plus doctes, mais qu’il prenne garde d’en trouver de plus présomptueux ! » Augustin termine le livre de l’Esprit et de la Lettre par des louanges en l’honneur du grand Apôtre qui, dans sa belle Épître aux Romains, a posé le fondement de la grâce chrétienne, et le premier a pénétré ce mystère de bonté divine et d’harmonie morale.

  1. Aux Rom., ch. XI, 33.