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histoire de saint augustin.

les fonctions de procureur de l’Église de Milan. L’évêque de Carthage devant lequel Paulin avait accusé Célestius, assembla dans cette ville un concile pour juger la question.

Célestius soutenait qu’Adam avait porté seul le poids de son péché, et que l’homme en naissant se trouve dans le même état qu’Adam avant sa chute ; tout en niant que la faute d’Adam eût passé dans sa postérité, il pensait que les enfants devaient recevoir la rédemption par le baptême, ce qui impliquait contradiction : la rédemption sans la rémission d’aucun péché n’a pas de sens. Célestius soutint aussi à Carthage que le premier homme avait été créé mortel ; que, même en demeurant innocent, il aurait connu le trépas, et qu’ainsi la mort n’était point pour l’homme une suite de la prévarication d’Adam. Selon lui, l’ancienne loi ouvrait le royaume des cieux aussi bien que la loi nouvelle ; avant l’Évangile, il s’était rencontré des hommes sans péché. Telles sont les opinions sur lesquelles dut se prononcer-le concile de Carthage, tenu au commencement de l’année 412.

Les doctrines de Célestius furent condamnées. Voici le principal canon[1] de ce concile : « Quiconque dit qu’il ne faut point baptiser les petits enfants nouvellement nés, ou qu’il les faut baptiser en la rémission des péchés, sans qu’ils tirent d’Adam un péché originel qu’on doive expier par la régénération, d’où il s’ensuit que la forme du baptême qu’on leur donne en la rémission des péchés n’est pas véritable, mais fausse, qu’il soit anathème. » Célestius, frappé d’excommunication, en appela au jugement de l’évêque de Rome ; toutefois, au lieu d’aller droit au pape Innocent Ier, il se dirigea vers Éphèse, où il reçut la prêtrise en trompant la bonne foi de l’évêque ; chassé d’Éphèse après avoir été reconnu, il prit la route de Constantinople, d’où l’expulsa l’évêque Atticus ; d’expulsion en expulsion, il retourna à Rome, où le pape Innocent confirma le jugement du concile de Carthage. Nous le verrons plus tard surprendre la protection passagère du pape Zozime.

Augustin ne put assister au concile de Carthage qui condamna Célestius. Mais, selon la remarque de Bossuet[2], il avait jeté les fondements de la condamnation des pélagiens dans un sermon[3] prononcé à Carthage peu de temps auparavant. « Il ne faut point, disait Augustin, mettre en question s’il faut baptiser les enfants : c’est une doctrine établie il y a longtemps avec une souveraine autorité dans l’Église catholique. Les ennemis de l’Église en demeurent d’accord avec nous, et il n’y a point en cela de question. » Augustin ajoutait que le baptême était donné en rémission des péchés. « L’autorité de l’Église notre mère le montre ainsi ; la règle inviolable de la vérité ne permet pas d’en douter : quiconque veut ébranler cet inébranlable rempart, cette forteresse imprenable, il ne la brise pas, il se brise contre elle… C’est une chose certaine, une chose établie. On peut souffrir les erreurs dans les autres questions qui ne sont point encore examinées, qui ne sont point affermies par la pleine autorité de l’Église : on peut dans cette occasion supporter l’erreur ; mais il ne faut pas permettre d’en venir jusqu’à renverser le fondement de la foi. » L’Église d’Orient s’accordait sur ce fondement de la foi avec l’Église d’Occident, et l’évêque d’Hippone dit dans ce sermon, en termes formels, que « les peuples mêmes auraient couvert de confusion ceux qui auraient osé le renverser. »

L’anathème contre Célestius fut la première condamnation des pélagiens. On commençait par frapper au nom de l’Église universelle ce qu’il y avait de plus capital dans ces erreurs, afin de prémunir les peuples.

Après le concile de Carthage, les membres les plus capables du clergé catholique de l’Afrique tournèrent leurs pensées vers ces questions nouvelles. Chacun s’en occupa. Mais au début de la grande lutte, un nom vint retentir sur toutes les lèvres : ce fut le nom d’Augustin. L’admiration de l’Afrique chrétienne désignait l’évêque d’Hippone pour répondre. On lui envoya de Carthage un relevé des assertions qui avaient blessé les oreilles catholiques, et le Traité Des Mérites et de la Rémission des péchés ne tarda pas à paraître. Marcellin était de ceux qui sollicitèrent la plume d’Augustin ; le grand docteur lui adressa l’ouvrage contre les pélagiens.

Dans le premier livre de ce Traité, Augustin examine d’abord si la mort a été la peine d’une faute, ou si elle était une condition de la nature de l’homme. Il prouve par l’Écriture que la sentence de mort a été portée après la désobéissance ; Célestius disait qu’il fallait entendre par cette sentence la mort morale qui suit le

  1. Can. 2.
  2. Défense de la trad. et des S. Pères.
  3. Serm. 294.