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chapitre vingt-neuvième.

CHAPITRE VINGT-NEUVIÈME.




Commencements du pélagianisme. — Pélage et Célestins. — Concile de Carthage en 412. — Le Traité des mérites et de la rémission des péchés, et la Lettre sur le Baptême des enfants.

Augustin a attaché son nom à la défense de la vérité dans ce qu’elle offre de plus important et de plus haut. Nous l’avons vu aux prises avec le manichéisme : il s’agissait de la nature de Dieu et de la création du monde ; il s’agissait de cette grande question de l’origine du mal qui a tant tourmenté la pauvre tête humaine. Puis il s’est armé contre le donatisme, qu’il a terrassé après tant de laborieuses luttes. Le donatisme était une question africaine, une question purement locale, mais il se liait aux principes les plus fondamentaux de la foi chrétienne : l’unité, l’universalité. Le donatisme supprimait d’un côté là tradition catholique et les antiques promesses faites à toutes les nations ; de l’autre, il supprimait la miséricorde envers les faibles, la fraternelle compassion pour les fautes, et introduisait dans l’Évangile toute la dureté du génie africain. On peut dire qu’Augustin fut un vivant, miracle de bonté ; Africain lui-même, il sauva l’Église de son pays de ses propres violences. Pour que nulle erreur capitale ne demeure sans garder l’empreinte de ses coups, l’évêque d’Hippone, avant de quitter ce monde, frappera l’arianisme qui niait la divinité de Jésus-Christ ; mais dès ce moment Augustin va tourner ses forces contre une doctrine dont le triomphe eût été l’anéantissement de la religion chrétienne. Nous voulons parler du pélagianisme ; Augustin le combattra pendant vingt ans, il en triomphera, et son dernier effort sur la terre sera un dernier coup porté contre les pélagiens.

L’homme éprouve de la joie à se grandir lui-même ; il lui plaît de faire illusion à sa faiblesse par l’énergie de sa volonté. Il nous eu coûte tant de confesser notre infirmité, notre impuissance, la stérilité de la plupart de nos efforts ! Les jours de l’homme (il est triste de le dire) sont comme de perpétuelles funérailles de nobles désirs et de beaux élans. « Le corps rabat la sublimité de nos pensées, dit Bossuet[1], et nous attache à la terre, nous qui ne devrions respirer que le ciel. » La philosophie du Portique ou le stoïcisme fut une magnifique flatterie adressée à l’orgueil humain ; Zénon, dont la gloire est d’avoir établi vigoureusement la loi du devoir, exagéra nos forces en enseignant à l’homme qu’il pouvait se suffire à lui-même. Il fut un prodige d’audace, et c’est par là qu’il a régné. Zénon se rendit agréable aux hommes en leur donnant des préceptes supérieurs à leur nature ; et comme son but était de les pousser à la vertu, il eut pour complice quelque chose qu’on pourrait appeler le beau côté de l’orgueil. — Un de ses disciples[2] lui disait dans un hymne en son honneur, après sa mort : « De ta mâle raison, de ton génie audacieux naît une doctrine, mère de l’intrépide liberté. » Cette intrépide liberté était une sorte de toute-puissance pour triompher des épreuves de la vie et accomplir le bien. La vertu austère et superbe, puisée aux sources du Portique, devint, aux mauvais jours de Rome, un asile contre les oppresseurs. Le Manuel d’Épictète et le traité des Devoirs de Cicéron furent écrits pour l’honneur du stoïcisme.

Il y avait dans la doctrine de Zénon une sorte de pressentiment de l’austérité chrétienne : ce mépris des joies de la terre et des voluptés sensuelles prophétisait l’Évangile. Aussi ne sommes-nous pas étonné de voir, vers la fin du second siècle, le Sicilien saint Pantène, le maître de saint Clément d’Alexandrie, surnommé, à cause de sa douce élo-

  1. Traité de la concup, chap. 2.
  2. Zenodote.