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chapitre vingt-septième.

peuples donatistes à s’échapper des liens de ceux de leurs pasteurs qui se révoltaient contre l’évidence en semant des mensonges. Beaucoup d’évêques donatistes, à l’exemple, des plaideurs qui ont perdu leur procès, firent courir le bruit et cherchèrent à persuader à leurs populations que les catholiques avaient gagné Marcellin à prix d’argent. Des évêques catholiques, réunis en concile à Zerte en Numidie, adressèrent à ce sujet aux donatistes une lettre[1], qui fut rédigée par l’évêque d’Hippone. Cette lettre, écrite le 14 juin 492, rappelait la fraude que les évêques donatistes avaient commise à Carthage en inscrivant dans leur mandement des noms de collègues absents ou morts ; elle indiquait en quelques pages les traits les plus saillants de la conférence, et, à la fin, raillait les accusateurs des catholiques et de Marcellin.

« Si nous devons la sentence du juge aux présents que nous lui avons faits, disaient les pontifes catholiques, quels présents avions« nous donc faits aux évêques donatistes pour les obliger, non-seulement d’avouer, mais « même de justifier par tant de pièces tout ce que nous soutenions contre eux ? » Les pontifes de la foi invitaient les chrétiens du schisme à revenir dans l’unité que Dieu aime, à lire ou à permettre qu’on leur lût les actes de la conférence : les donatistes, après cela, auront-ils le droit d’imputer aux catholiques les coups de la loi ?

Peu de temps après, Augustin publia un livre adressé aux donatistes[2], et dans ce livre le grand évêque faisait un dernier et puissant effort pour ouvrir les yeux des populations schismatiques trompées par leurs évêques. Il montrait la vérité catholique claire comme le soleil, non pas née en Afrique, mais partie de Jérusalem et répandue à travers le monde ; il donnait des voix aux Églises du Pont, de la Bithynie, de l’Asie-Mineure, de la Cappadoce, à toutes les Églises d’Orient, et ces voix redisaient au parti de Donat : Nous ne savons pas ce que vous avez dit ; pourquoi ne communiquez-vous pas avec nous ? pourquoi nous faites-vous un crime de ce que nous n’avons pu connaître ?

L’évêque d’Hippone tirait un grand parti de ces paroles échappées à la conscience des évêques donatistes : Une cause ne nuit pas à une autre cause ; et les fautes sont personnelles ; il les développe de manière à faire toucher du doigt, même à des enfants, la vérité contre les donatistes ; puis il revient sur le mélange des bons et des méchants en ce monde, sur les conditions qui font le martyre. Les donatistes, ou le sait, se proclamaient martyrs, mais martyr veut dire témoin, et les témoins du Christ, ce sont les témoins de la vérité. Il ne suffit pas de souffrir, il faut souffrir pour la justice. Augustin, plein de charité et d’onction, invite ces populations endormies à sortir d’un long sommeil. « Mettez-vous d’accord avec la paix, leur dit-il, attachez-vous à l’unité, ayez égard à la charité, cédez à la vérité. » En parlant de la difficulté de tirer de leur erreur les évêques donatistes, Augustin dit que l’argile où ils ont mis le pied est si épaisse et qu’ils y sont tellement enfoncés qu’on ne peut les en arracher. L’évêque d’Hippone repasse rapidement les principaux points des disputes de la conférence de Carthage ; il nous apprend que les débats furent clos la nuit, que la sentence de Marcellin fut rendue la nuit ; « mais, ajoute-t-il, cette sentence resplendissait de la lumière de la vérité. » Les donatistes s’étaient plaints d’avoir été enfermés dans les thermes Gargilianes comme dans une prison, ce qui donne occasion à Augustin de nous apprendre que la salle de la conférence, loin d’être une prison, était un vaste espace inondé de lumière et d’une agréable fraîcheur au milieu des ardeurs du mois de juin en Afrique.

Augustin écrira plus tard sur les donatistes encore quelques lettres et remontera parfois encore sur la brèche[3], dans l’intérêt de l’unité religieuse ; en 448, il disputera[4] à Césarée avec Emeritus, évêque donatiste de cette ville, en présence de la multitude des fidèles ; en 420, il réfutera en deux livres[5] deux lettres de Gaudentius, évêque donatiste de Thamugade[6] ; mais dès ce moment nous pouvons considérer comme finie l’œuvre d’Augustin contre les donatistes. Ses écrits avaient fait l’éducation de tous les esprits en Afrique pour la question du schisme ; la sentence prononcée à Carthage le 8 juin 444 fut comme la conséquence solennelle tirée des ouvrages du pon-

  1. Lettre 141.
  2. donatistas post collationem liber.
  3. La Revue de saint Augustin nous parle d’un livre contre Emérite, évêque des donatistes, après la conférence ; ce livre est perdu.
  4. De gestis cum Emerito liber unus.
  5. Contra Gaudentium libri duo. Les ouvrages contre les donatistes forment le 9e vol. des Œuvres de saint Augustin.
  6. Thamugade, sur la route de Lambèse à Constantine, offrait, au temps de Bruce, un arc de triomphe et un temple, tous les deux d’ordre corinthien.