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histoire de saint augustin.

Carthage au grand événement religieux qui réunissait dans cette métropole toute une légion de pontifes. Nul aussi bien qu’Augustin ne pouvait remplir une tâche semblable ; l’évêque de Carthage la lui confia. Augustin prononça un sermon sur la paix, sujet heureusement choisi à la veille d’une assemblée formée pour rétablir l’union religieuse dans les contrées africaines. Ce sermon, où la langue de l’Église est si élevée, si grave et si douce, ne dut pas être écouté sans émotion ; des larmes coulaient des yeux des auditeurs lorsque Augustin disait : « Priez pour les évêques, les évêques parleront et disputeront pour vous ; faites des aumônes ; les aumônes sont les ailes par lesquelles la prière s’élève jusqu’à Dieu. En travaillant ainsi pour la cause de l’Église, vous nous servirez peut-être plus que nous ne nous servirons nous-mêmes, car personne de nous ne compte sur ses forces pour triompher dans cette dispute, et notre espérance est en Dieu seul ! »

La présence des cinq cent soixante-quatre évêques à la conférence pouvait amener quelque confusion. Marcellin ordonna[1] que chacun des deux partis se fit représenter par dix-huit évêques, sept pour parler, sept pour conseiller, quatre pour surveiller l’exactitude des notaires. Dans cet édit, Marcellin marquait le lieu de la conférence : les catholiques souscrivirent à cette décision, mais les donatistes écrivirent une lettre à Marcellin pour le supplier de leur permettre à tous d’assister à la réunion. Une telle demande parut aux catholiques comme un projet de faire échouer la conférence par le désordre ; toutefois, pour ne pas condamner à l’avance des intentions, et dans un esprit de charité et de condescendance fraternelle, les catholiques déclarèrent à Marcellin qu’ils consentaient au désir des donatistes. Seulement ils persistaient à se faire représenter à la conférence par dix-huit évêques, afin qu’on ne pût leur imputer le tumulte si le malheur voulait qu’il en éclatât[2].

Enfin arriva le 1er juin ; les destinées et la gloire de l’Église d’Afrique allaient se décider, lesï peuples étaient en suspens. On se réunit dans une salle des thermes Gargilianes[3], situés au centre de Carthage. Augustin, Aurèle, Alype, Possidius, Vincent, Fortunatus, Fortunatien, étaient les sept évêques chargés de prendre la parole au nom des catholiques ; les donatistes avaient confié leur cause à Pétilien, à Emérite, évêque de Césarée, à Fortunius, évêque de Thubursy, Primitus, Prothasius, Montanus, Gaudentius, Adeodatus. L’épiscopat du schisme africain, rassemblé là tout entier, dut longtemps arrêter ses regards sur cet Augustin qui, depuis treize ans, combattait le parti de Donat avec tant de force et de génie, et qui venait à Carthage pour porter à l’erreur le dernier coup. La séance s’ouvrit avec un grand appareil et une imposante solennité. Un officier ayant demandé les ordres de Marcellin pour que les évêques entrassent dans la salle, les évêques s’avancèrent majestueusement. Dans un discours d’ouverture, Flavius Marcellin se reconnut indigne d’être placé juge au milieu de tant d’hommes vénérables par lesquels il conviendrait plutôt qu’il fût lui-même jugé ; mais la cause qui les avait réunis allait être agitée sous les yeux de Dieu, les anges en seraient les témoins, et le juge n’avait que des faits à constater. On fit ensuite lecture de l’ordonnance d’Honorius, datée de Ravenne, des deux édits de Marcellin, des réponses des donatistes et des catholiques, et d’un écrit (mandatum) par lequel les évêques catholiques, rassemblés dans l’Église de Carthage, avaient choisi sept d’entre eux pour défendre la cause catholique et précisaient les points qui seraient la matière de la discussion. On lut aussi un écrit de ce genre rédigé par les donatistes. Le reste de la séance se perdit en chicanes.

Les donatistes élevèrent des doutes sur les signatures des évêques catholiques qui avaient nommé leurs représentants à la conférence ; ces doutes amenèrent une vérification qui constata la sincérité des signatures des catholiques, et la fausseté de plusieurs signatures de donatistes qui avaient usé de la fraude pour faire croire à un plus grand nombre d’évêques de leur parti, présents à Carthage.

Dans la seconde séance, qui eut lieu le 3 juin, rien de sérieux ne fut entamé ; tous les efforts des donatistes tendaient à gagner du temps comme pour reculer leur défaite ; ils eurent l’idée de solliciter un délai afin d’examiner à loisir les actes de la première séance, et de se mieux préparer à la discussion ; le président de la conférence leur accorda un délai de cinq jours à la prière d’Augustin, et la troisième séance fut ajournée au 8 juin. Un

  1. Second édit de Marcellin.
  2. Lettre 129.
  3. In secretario thermarum Gargilianarum.