tunge, poursuivi par les donatistes, avait été jugé après Cécilien de Carthage ; le saint évêque l’a rectifiée dans le deuxième livre, chap. 34, de la Revue de ses ouvrages.
Il n’est rien resté, à notre connaissance, des ouvrages d’un contemporain d’Augustin, nommé Cousentius, qui écrivit sur l’unité de Dieu et la Trinité des personnes divines. Dans une lettre placée en tête de ses travaux, il déclarait « que c’était par le poids des sentiments du saint évêque Augustin qu’il prétendait fixer la nacelle flottante de sa foi. » Consentius était des îles voisines de l’Afrique, ce qui nous fait croire qu’il appartenait aux îles Baléares. Le peu que nous savons de ce personnage, qui était apparemment laïque, nous l’avons trouvé dans sa lettre à l’évêque d’Hippone, datée de 410 ; il appelle Augustin très-honoré seigneur et très-saint pape. Consentius expose au grand docteur des questions sur la Trinité, et s’adresse à lui avec d’autant plus de confiance qu’Augustin jouissait en ce moment du repos de la solitude. Il dit que le Père céleste, seul possesseur du secret des mystères et de la clef de David, a rendu Augustin capable de pénétrer, par la pureté de son œil intérieur, jusque dans le sanctuaire du ciel ; et d’y voir à découvert la gloire du Seigneur : à moins d’avoir Augustin pour guide dans la recherche de la nature de Dieu, les esprits n’oseraient s’élever si haut, et les yeux sont trop faibles pour soutenir l’éclat d’une si vive lumière. C’est à l’évêque d’Hippone qu’il appartient de percer la nuée obscure des mystères. Consentius aime mieux suivre avec soumission et foi l’autorité du grand docteur que de s’égarer en suivant la fausse lueur de ses propres pensées. Il désire un redressement public de ses erreurs sur ces hautes matières, afin que ses compatriotes des îles et tous ceux qui se trompent soient instruits et corrigés par le profond savoir et l’autorité d’Augustin. La lettre de Consentius est d’un style clair et facile ; sa latinité est meilleure que celle de la plupart de ses contemporains, et, sous le rapport de la forme au moins, la perte de ses livres est regrettable.
Augustin, en commençant sa réponse[1], vante l’esprit de Consentius ; il voudrait que Consentius, dont l’éloignement n’est pas considérable, se rendît à Hippone pour y lire les ouvrages d’Augustin dans les meilleures copies et communiquer à l’évêque tous ses doutes, toutes ses observations. Consentius avait fort bien remarqué qu’on arrive à la vérité chrétienne par la foi plutôt que par le raisonnement : si l’on ne parvenait à la foi que par les savantes discussions, le bonheur éternel serait exclusivement réservé aux orateurs et aux philosophes. Augustin répond que Dieu ne hait point en nous la raison, cette prérogative par laquelle il nous a élevés au-dessus des animaux ; que la soumission religieuse ne doit pas nous empêcher de demander raison de ce que nous croyons, puisque sans la raison nous ne serions pas même capables de croire ; mais dans l’étude des doctrines du salut, la foi doit précéder la raison, et voilà pourquoi le prophète disait : Si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas. La foi a ses yeux qui lui font voir en quelque sorte la vérité de ce qu’elle ne voit pas encore, comme ils lui font voir clairement qu’elle ne découvre pas encore ce qu’elle croit. Nous avons développé ces idées sur la raison et la foi dans l’examen d’autres ouvrages d’Augustin. L’évêque d’Hippone est, parmi les Pères, celui qui a le mieux et le plus constamment défendu les droits de la raison humaine dans la recherche de la vérité. Sa lettre à Consentius abonde en vues philosophiques sur la nature de Dieu. Augustin travaillait déjà à cette époque et depuis plusieurs années à son traité de la Trinité : les questions de Consentius l’avaient trouvé avec le regard attaché sur le mystère du Dieu en trois personnes.
Augustin avait dans le monde religieux quelque chose de l’autorité des prophètes dans l’ancien monde hébraïque ; on consultait les prophètes pour connaître les volontés de Dieu, on consultait Augustin pour connaître la nature de Dieu et tous les mystères de sa loi révélée. Quand les voyants d’Israël parlaient, on écoutait ce que Dieu disait en eux ou par eux ; quand l’évêque d’Hippone, sublime voyant du règne évangélique, éclaircissait les questions difficiles et chassait la nuit par sa parole, on s’inclinait pieusement comme si on avait senti passer devant soi l’esprit divin. Augustin, que nous pouvons appeler prophète de la vérité, puisque son regard perça tant de nuages, apparaissait comme un pèlerin du ciel qui, campé un moment sur la terre, serait interrogé de toutes parts sur les secrètes merveilles d’une patrie inconnue.
Saint Paulin de Nole fut un de ceux qui aimèrent le plus à se rapprocher, par le cœur et
- ↑ Lettre 120.