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histoire de saint augustin.


CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.




Saint Paulin et Thérasie. — Scrupules de saint Augustin sur la législation pénale. — Stilicon. — Intervention de saint Augustin en faveur des donatistes. — Nouvelles instances de Nectarius de Calame et réponse de l’évêque d’Hippone. — Tendre admiration de Sévère, évêque de Milève. — Les invasions des barbares. — Dioscore et saint Augustin. — Les païens de Madaure. — Longinien.

(408-410.)


Entre Augustin, Paulin et sa femme Thérasie, il s’était établi une affectueuse correspondance pleine de charme. Augustin avait senti un vif attrait pour cet homme si doux, si lettré, si fervent, que ne purent retenir les emplois les plus élevés de l’empire, et qui, de concert avec sa femme, devenue désormais pour lui une sœur, vendit au profit des pauvres des biens immenses[1]. Paulin et Thérasie, dont les noms ne se séparaient point en tête des lettres adressées à l’évêque d’Hippone, ne trouvaient rien de plus grand, de plus complet qu’Augustin. Il leur avait fait parvenir la plupart de ses ouvrages, et ne manquait pas de leur adresser chacune de ses productions nouvelles : la réception d’un livre d’Augustin était une pieuse fête pour Paulin et Thérasie. En 408, un ouvrage de ce grand homme, remis au saint personnage de Nole par un diacre d’Hippone appelé Quintus, renouvela ces joies dont rien ne surpasse la pureté. Paulin reçut l’ouvrage à Rome ; il s’y était rendu après Pâques pour visiter les tombeaux des apôtres et des martyrs. Il écrivit, à cette occasion, à l’évêque d’Hippone pour le remercier de lui avoir envoyé ces fleurs de son génie, dont le parfum lui faisait goûter quelque chose des délices du paradis. Paulin s’était imposé la privation de ne pas lire l’ouvrage à Rome, où le tumulte l’eût empêché de jouir pleinement de cette œuvre ; il ne commença à l’ouvrir que lorsqu’il fut hors de Rome et dans sa première halte à Formes, aujourd’hui Formello, en revenant à Nole. Paulin parle de son impuissance à louer convenablement Augustin ; un homme tout de terre comme lui ne dira rien qui réponde à la haute sagesse que Jésus-Christ a mise dans son docteur. Il fait l’éloge de Mélanie l’Ancienne, qui fut maîtresse de sa douleur en voyant mourir son petit-fils Publicola, et dont la courageuse fermeté eut Augustin pour témoin. Le grand docteur put comprendre mieux que personne le peu de larmes échappées des yeux de Mélanie, lui qui avait un cœur de mère en même temps qu’une mâle vigueur d’esprit. L’époux de Thérasie dit quelques mots sur l’occupation des élus dans le siècle futur, mais il demande à être instruit de ces mystères à venir par Augustin, qu’il appelle l’homme de Jésus-Christ, le docteur du peuple de Dieu dans l’Église de la vérité.

La réponse[2] de l’évêque d’Hippone fut confiée à des prêtres d’Afrique qui s’en allaient à Rome avec Possidius (année 408) pour demander justice à l’empereur à la suite des désordres de Calame. Augustin s’exprime avec beaucoup d’affliction sur le motif du voyage de Possidius ; celui-ci aura le bonheur de voir Paulin tous les jours ; mais, au milieu de leurs maux, ce bonheur ne sera qu’une consolation pour les amis d’Augustin. L’évêque dit ailleurs[3] que le voyage de Possidius et de ses compagnons a été plutôt une fuite qu’un voyage. Le grand docteur voudrait bien passer la mer, mais les liens qui l’attachent au service des faibles ne lui permettent pas de s’éloigner d’eux, à moins que leurs besoins mêmes et leurs infirmités ne le demandent. Il touche dans sa lettre à diverses questions. La question de l’utilité des peines à prononcer contre les coupables lui fournit des observations où se montre un doute remarquable : quelles bornes faut-il garder dans ces châtiments, non-seulement par rapport à la qualité ou à la quantité des fautes, mais encore par rapport à la force

  1. Nous avons parlé de saint Paulin de Nole dans l’Histoire de Jérusalem, tome II.
  2. Lettre 95.
  3. Lettre 98, à Olympius.