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HISTOIRE
DE SAINT AUGUSTIN.


CHAPITRE PREMIER.

L’enfance et la jeunesse de saint Augustin jusqu’à son voyage à Rome.
(354-383.)

À vingt-cinq lieues sud-sud-est de Bone, à quinze lieues de Ghelma, l’ancienne Calame, le voyageur rencontre des ruines que les Arabes désignent sous le Souk-Aras ; ces ruines, qui couvrent un espace d’une demi-lieue carrée environ, sont celles de Thagaste, une des villes libres citées par Pline[1], et qui a reçu du berceau d’Augustin une renommée immortelle. D’abord livrée au schisme des donatistes, elle revint à l’unité catholique en 348 ou 349, à la suite des sévères décrets de l’empereur Constant. Augustin, surnommé Aurèle, y naquit le 13 novembre 354. D’anciens auteurs n’ont pas manqué de faire observer qu’Aurèle veut dire à la fois or et soleil, et qu’Augustin était bien digne de ce surnom ; ses écrits et sa vie ont brillé comme l’or, et les hommes s’éclairent au soleil de son génie. Un vieux biographe a trouvé dans la signification du nom d’Augustin un présage des grandes choses accomplies par l’évêque d’Hippone ; l’incomparable docteur augmenta l’Église catholique, la chose chrétienne[2]. Le monde révère sainte Monique, qui fut mère d’Augustin ; le nom de cette illustre femme reviendra plus d’une fois sous notre plume. Augustin eut pour père un homme de condition modeste, Patrice, qui mit au rang de ses premiers devoirs l’instruction de son fils. Il avait dix-sept ans lorsqu’il le perdit. Patrice mourut chrétien.

L’évêque d’Hippone s’est fait l’historien de sa jeunesse ; tout le monde a lu les Confessions ; à quoi bon répéter des détails que nul n’ignore ? Ce que nous avons à faire dans la première partie de notre travail, c’est de reproduire assez de traits et de couleurs pour que le tableau des jeunes années d’Augustin ne manque point à cette Histoire.

Augustin, enfant, apprit aux écoles de Thagaste les premiers éléments des lettres ; il y rencontra des hommes qui invoquaient le nom de Dieu, et se mit à bégayer des prières à l’Être grand et éternel dont il entendait parler. Tout petit, il suppliait Dieu qu’on ne lui donnât pas le fouet, châtiment ordinaire de l’école. La passion du jeu le dominait ; son caractère enclin à la rébellion pliait difficilement sous la volonté de ses parents et de ses maîtres. Les victoires remportées sur ses compagnons l’enivraient. Comme les contes et les récits fabuleux le charmaient, Augustin se sentit violemment attiré vers les émotions du théâtre. Il avait, en naissant, reçu de sa mère chrétienne le sel mystérieux des catéchumènes, mais n’avait pas été baptisé. Dans une maladie dangereuse survenue à l’âge le plus tendre, il demanda le baptême ; tout était prêt pour laver Augustin dans les eaux salutaires ; le jeune

  1. Pline, livre V, chap. 5.
  2. Rem christianam auxit.
Tome I.
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