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chapitre vingt-troisième.

septembre 401, à Comane, dans le Pont, où les exils l’avaient rejeté, affligea sans doute le cœur d’Augustin ; il avait dû s’émouvoir des malheurs de cette grande victime des odieuses intrigues de la cour de Byzance, de cette belle intelligence qui représente tout ce que pouvait le génie grec devenu chrétien, admirable orateur, le plus grand de ces premiers siècles de l’église, et dont le temps ne fait que rajeunir la gloire. On sait que Rome se sépara de Théophile d’Alexandrie, coupable des malheurs du saint archevêque de Constantinople. L’Église d’Afrique ne cessa pas la communion avec le patriarche d’Alexandrie par des considérations qui tenaient aux intérêts religieux des peuples.

En vertu des lois d’Honorius, du 24 novembre 407, le paganisme agonisant perdit le droit de célébrer ses solennités. Les païens d’une cité d’Afrique, Calame, ne tinrent aucun compte du décret impérial ; ils célébrèrent le 1er juin de l’année 408 leur fête solennelle, peut-être la fête de Flore. Mais le plus répréhensible, ce furent les outrages et les violences dont ils accablèrent les chrétiens de la ville. Les troupes de danseurs de la fête passèrent devant la porte de l’église pour insulter à la majesté de Jésus-Christ : ce qui ne s’était pas fait même au temps de Julien l’Apostat. Les clercs ayant essayé d’empêcher cette insulte impie, on fondit à coups de pierres sur eux et sur tous ceux qu’on trouva dans l’église. Au bout de huit jours, l’évêque de Calame notifia à l’assemblée de la ville les lois impériales, quoiqu’elles ne fussent ignorées de personne ; mais l’exécution des lois réveilla la fureur populaire ; on attaqua l’église à coups de pierres. Deux jours après, les magistrats de la cité refusèrent l’audience aux clercs qui demandaient mention de leurs protestations et de leurs plaintes dans les actes publics. Le même jour, une grosse grêle tomba sur la ville ; les païens, voulant se venger de cet orage contre les chrétiens, les poursuivirent à coups de pierres pour la troisième fois. Non contents de les lapider, ils mirent le feu à leur église et aux maisons des prêtres ; un de ces prêtres fut tué. L’évêque se sauva avec peine dans un trou d’où il entendait les cris de ceux qui le cherchaient pour le faire mourir. Cela dura depuis dix heures du matin jusqu’à la nuit bien avancée, sans que l’autorité s’occupât d’arrêter le désordre. Seulement un étranger se présenta pour délivrer quelques prêtres des mains des païens et arracher aux furieux beaucoup d’objets pillés.

Il y avait à Calame bien des douleurs à consoler, et aussi la fermentation à apaiser parmi la population chrétienne. Augustin s’y rendit, et sa présence fut pour la ville tout entière comme une bénédiction. Les victimes oubliaient leurs maux, les projets de vengeance s’évanouissaient : tout semblait devenir meilleur en présence de tant de génie et de vertu. Les païens de Calame connaissaient la haute autorité et la modération du grand évêque d’Hippone ; leurs chefs demandèrent à être admis auprès de lui pour détourner l’expiation terrible qui les menaçait ; Augustin ne refusa pas de les recevoir, s’entretint doucement avec eux, et, ne bornant pas son attention aux intérêts du moment, il leur fit entrevoir le chemin de Dieu dans ce langage à la fois suave et ferme qui remuait le cœur des peuples.

Nous songions à cette émeute païenne, à l’illustre Augustin traversant Calame en messager de paix, à son ami Possidius, qui avait là son siège, et dont le nom demeure impérissable en s’attachant à une pieuse biographie du grand évêque ; nous songions aux fréquents voyages du docteur d’Hippone au milieu de ce peuple dont le cœur avait tant de peine à s’arracher au polythéisme, lorsque nous cherchions sur les hauteurs de Ghelma, à dix-huit lieues au sud d’Hippone, les vestiges de Calame, une des villes les plus importantes de la Numidie. Bâtie aux derniers penchants d’une montagne appelée Maouna, et dont le sommet est nommé Selle de la jument par les Arabes, Calame voyait la Seybouse couler à ses pieds du nord-ouest au sud-est. L’enceinte de la cité, formant un carré long assez régulier, présente une étendue d’environ 2,500 mètres. Le camp actuel des Français s’élève sur l’emplacement de l’ancien castellum. Il est défendu par une muraille dont une portion appartient à divers âges anciens, et dont le reste a été construit à la hâte avec des pierres antiques à l’époque de notre occupation de Ghelma. À l’extrémité du camp, une belle ruine encore debout m’a semblé représenter la basilique de Calame ; une nef du couchant à l’orient et deux chapelles latérales forment la croix latine. L’ancien théâtre de Calame, situé au nord-est de la ville, frappe l’attention du voyageur ; les


    bationum et testimoniorum contra donatistas liber unus ; 2o Contra nescio quem donatistam liber ; 3o Admonitio donatistarum de maximianistis.