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chapitre vingt-troisième.


CHAPITRE VINGT-TROISIÈME.




Cruautés des donatistes et bienveillante intervention de saint Augustin. — Les quatre livres contre Cresconius. — Émeute païenne contre les chrétiens de Calame. — Description de Calame.

(405-408.)

À mesure que la double puissance du génie et de la modération d’Augustin relevait l’Église d’Afrique, les donatistes donnaient libre carrière à leurs passions jalouses ou haineuses. Les circoncellions et leurs atroces imitateurs ne laissaient plus de paix aux catholiques. Les coups de bâton et les coups d’épée ne suffisaient pas à leur vengeance ; ils avaient imaginé de brûler les yeux des fidèles avec de la chaux détrempée dans du vinaigre[1]. Ils avaient inventé des armes nouvelles pour accomplir des maux plus grands. L’évêque de Thubursy, tombé entre les mains de donatistes armés, n’échappa qu’avec peine à la mort. Maximien, évêque catholique de Bagaï en Numidie (l’ancienne Bagasis), coupable de s’être mis en possession d’une basilique vendue judiciairement aux fidèles, faillit périr sous les coups des donatistes. L’autel qui lui servit de refuge fut renversé et l’écrasa de ses débris. Les bourreaux traînèrent dans la poussière le corps sanglant du pontife ; le hasard voulut que la poussière amoncelée sur les blessures de l’évêque arrêtât lesang : c’est ainsi que Maximien conserva la vie. Les catholiques du lieu étant venus chercher leur évêque au bruit du chant des psaumes, les donatistes recommencèrent leur œuvre avec une rage nouvelle. Au milieu de la nuit, ils précipitèrent le pontife du haut d’une tour ; g tomba sur un amas de fumier et ne périt point. Un pauvre homme et sa femme ramassèrent le martyr à la lueur d’une lampe, avec le projet de le céder aux catholiques mort ou vif ; ils espéraient en tirer profit. Maximien survécut à ses blessures ; quand il eut recouvré ses forces, il s’en alla demander justice à l’empereur Honorius, à Rome, où s’était répandue, ainsi qu’à Constantinople, la nouvelle de sa mort : les fidèles des bords du Tibre crurent voir un martyr ressuscité.

Un prêtre du diocèse d’Hippone, appelé Restitutus, qui, de son propre mouvement, était revenu du parti des donatistes à la communion catholique, avait été en butte à d’horribles violentes. Les donatistes l’arrachèrent de sa demeure, le battirent, le traînèrent dans un bourbier, et puis, voulant en faire un objet de risée, ils l’habillèrent de natte et le promenèrent aux yeux de la multitude. Le prêtre ne sortit des mains ennemies qu’après douze jours de persécution.

Possidius, évêque de Calame, s’en était allé à une petite cité, appelée Figuli, pour visiter des catholiques et chercher à ramener à l’unité les chrétiens errants. On lui dressa une embuscade sur le chemin ; comme il l’évita, il retrouva ses ennemis dans le village de Lives. On mit le feu à la maison où était logé Possidius l’incendie fut trois fois éteint et trois fois rallumé ; à la fin, les habitants du village triomphèrent des flammes et des malfaiteurs, et l’évêque se sauva.

Augustin, le chef et l’âme de la lutte contre les donatistes, n’opposait à cette guerre odieuse qu’un esprit de paix et le désir de rétablir l’unité dans un concile. Il inspirait sa miséricorde à ses frères dans le sacerdoce ou l’épiscopat. Crispinus, évêque donatiste de Calame, avait été convaincu d’hérésie devant le proconsul ; il devait payer l’amende de dix livres d’or, à laquelle les lois de Théodose condamnaient les hérétiques. Possidius, malgré le danger qu’il avait couru, intervint auprès du procureur ou juge[2] pour que l’amende de Crispinus fût légère ; on eut égard à sa demande. Mais Crispi-

  1. Possidius et Lettre 88e de saint Augustin. Contra Cresconium dont, lib. III, n. 46.
  2. Cognitor.