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chapitre vingt-unième.

ser ! Il est touchant dans ses pieux remords, dans ses tendres inquiétudes, et sa pensée s’élève lorsqu’il nous montre l’amitié chrétienne prenant les proportions de l’infini.


CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.




Continuation du même sujet.

(404.)

Voici enfin Jérôme qui répond. Il n’a pu recevoir encore (et c’est regrettable) la précédente lettre, si pleine d’humilité et d’amour, mais il a reçu les trois lettres que le diacre Cyprien avait été chargé de lui remettre. L’hôte des saints déserts va passer en revue les diverses questions posées par l’évêque d’Hippone ; le porteur ne lui a demandé ses lettres que trois jours avant son départ ; Jérôme s’est donc vu forcé de répondre, non pas avec la maturité de quelqu’un qui écrit, mais avec la rapidité hardie de quelqu’un qui dicte. Cette excuse de Jérôme n’en était pas une pour lui ; le trait saillant de son génie, c’est une ardente verve qui produit vite. On va voir que sa défense ne souffrira point de la nécessité d’une dictée rapide.

Les armes de Jérôme, ces armes qu’il n’a que le temps de saisir, c’est le Christ, c’est l’enseignement de l’apôtre Paul, qui dit aux Éphésiens : Que la vérité soit la ceinture de vos reins ; la justice, votre cuirasse ; que vos pieds soient chaussés pour vous préparer à l’Évangile de paix. Prenez le bouclier de la foi…, le casque du salut, le glaive spirituel, qui est la parole de Dieu. De quels traits s’arma le jeune David ? il choisit dans le torrent cinq pierres polies, pour montrer qu’il ne s’était pas souillé au milieu des flots orageux du siècle ; il but en chemin de l’eau du torrent, et voilà pourquoi il éleva la tête et frappa au front son superbe ennemi. Jérôme demande à Dieu de remplir son cœur de sa parole ; il ne doute pas qu’Augustin ne demande aussi à Dieu de faire triompher la vérité dans cette dispute, car il cherche, non pas sa gloire, mais celle du Christ. Si Augustin est victorieux, Jérôme le sera aussi, pourvu qu’il comprenne son erreur. Si Jérôme triomphe, Augustin triomphera également : « Ce ne sont pas, dit l’Apôtre[1], les enfants qui thésaurisent pour leurs pères, mais les pères qui thésaurisent pour leurs enfants. »

Jérôme arrive d’abord à ce titre d’Épitaphe qu’on avait inscrit à tort en tête de son livre des Hommes illustres ; le mot d’Épitaphe ne pouvait pas convenir à un tel ouvrage ; le livre de Jérôme est intitulé Des hommes illustres, ou proprement Des Écrivains ecclésiastiques.

Il aborde ensuite la principale question sur l’Épître aux Galates. Augustin lui demande pourquoi il a dit que Paul n’avait pu condamner dans l’apôtre Pierre ce qu’il avait fait lui-même, ni le blâmer d’une dissimulation dont il était lui-même réputé coupable. Augustin soutient que la réprimande de Paul n’était point simulée, mais véritable ; que Jérôme ne doit pas enseigner le mensonge, et que les Écritures doivent rester ce qu’elles sont. Si Augustin avait eu la prudence de lire la petite préface des commentaires de l’Épître aux Galates, il aurait vu que l’opinion de Jérôme était tout simplement celle d’Origène[2] et des auteurs grecs ; Jérôme a mêlé ses propres pensées à leurs pensées ; il a donné les impressions de ses lectures ; ses paroles laissaient au lecteur la liberté d’approuver ou de rejeter l’opinion des auteurs grecs. Augustin a changé la face de la question, en soutenant que les Gentils qui avaient cru en Jésus-Christ étaient délivrés du joug de la loi ; que les Juifs devenus chrétiens étaient soumis à cette même loi ; que Paul, comme docteur des Gentils, avait raison de reprendre les observateurs des cérémonies lé-

  1. Corinth. II, XII, 14.
  2. Origène a écrit quatre volumes sur l’Épître aux Galates, et son dixième livre des Stromates est une explication abrégée de cette épître.