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histoire de saint augustin.

CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.




Les trente-trois livres contre Fauste le manichéen. — Les Confessions.

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On se souvient de Fauste de Milève, que les manichéens avaient tant vanté au jeune Augustin, et dont la conversation fut un si grand mécompte pour le fils de Monique. Fauste avait composé un ouvrage contre la foi chrétienne et la vérité catholique. L’ouvrage étant tombé entre les mains de l’évêque d’Hippone et de ses frères, ceux-ci lui demandèrent d’y répondre. Augustin accueillit leur vœu. Il entreprit une réponse « au nom et avec l’aide du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, afin de montrer que le plus perçant génie et la langue la plus éloquente ne sont rien, si le Seigneur lui-même ne dirige les pas de l’homme. » Ces trente-trois livres sont autant de discussions, ainsi qu’Augustin le dit lui-même dans la Revue[1] de ses ouvrages. Fauste et Augustin sont mis en scène. L’évêque catholique place dans la bouche du célèbre manichéen les paroles tirées de son propre ouvrage, et puis il y répond avec plus ou moins d’étendue, selon que les matières le commandent. Nous avons déjà apprécié divers travaux d’Augustin contre les manichéens, et l’analyse détaillée des trente-trois livres de réponses à Fauste amènerait d’inutiles répétitions. Notre meilleur parti est donc de résumer en quelques pages les points les plus saillants des réponses du grand évêque.

Fauste appelait les catholiques des demi-chrétiens ; Augustin appelle les manichéens de faux chrétiens, et le leur prouve. Ils demeurent donc inférieurs aux catholiques, car être quelque chose à demi, c’est être imparfait, et ce qui est imparfait reste supérieur à ce qui est faux. Fauste niait la généalogie du Christ ; le Christ est de la race de David ; saint Paul anathématise les opinions contraires. D’après les manichéens, l’Esprit saint n’avait pas fécondé le sein d’une vierge, mais le sein de la terre, pour donner naissance au Christ. « Le premier homme, dit saint Paul, né de la terre, est terrestre ; le second, né du ciel, est céleste. » Les manichéens calomniaient l’étoile des mages pour rattacher le Christ à toutes les étoiles du firmament dans le prétendu combat entre la lumière et les ténèbres. Les chrétiens ne placent personne sous l’irrésistible influence des astres ; l’étoile de Bethléem fut un signe et non pas un décret du destin. Jésus a dit qu’il était fils de l’homme, mais il a dit aussi qu’il était fils de Dieu, qu’il était la voie, la vérité et la vie. Fauste et ses pareils ne craignaient pas de se proclamer les fidèles disciples de Jésus-Christ, et leur vie et leurs doctrines formaient une détestable opposition avec l’Évangile ; au lieu de la résurrection glorieuse promise par le christianisme, les manichéens annonçaient une bizarre renaissance qui devait changer les justes en fruits et en légumes, destinés à servir de nourriture aux élus de la secte. Les manichéens exécraient les sacrifices de l’Ancien Testament ; l’immolation des bêtes leur inspirait de la pitié ; mais ces hommes, pleins de compassion pour les animaux, laissaient mourir de faim les pauvres qui leur demandaient l’aumône. Et de quel droit reprochaient-ils au culte mosaïque les sacrifices sanglants, eux dont la nourriture habituelle était une effroyable boucherie, puisqu’ils prêtaient une vie et une âme à tout ce qu’ils mangeaient ? C’était des substances divines, des membres de Dieu même qu’ils broyaient sous leurs dents ! « Ô bienheureux légumes, s’écrie Augustin avec ironie, ô bienheureux légumes, à qui, après avoir été arrachés par la main, coupés par le fer, rôtis par le feu, broyés par les dents, il est donné pourtant d’arriver tout vivants jusqu’à l’autel de vos entrailles ! et combien

  1. Livre II, ch. 8.