Page:Auguste de Staël - Œuvres diverses, 1829.djvu/256

Cette page n’a pas encore été corrigée
146
Du nombre et de l'âge


« fallait pas moins que l’Europe à dévorer »[1] Les nations, non plus que les individus, ne peuvent se passer d’un sentiment dominant qui soit le principe de leur vie morale. Sous Napoléon ce principe était l’ardeur de la guerre ; aujourd’hui , heureusement pour nous et pour l’Europe, ce ne peut plus être que l’amour de la liberté. Vouloir gouverner par assoupissement une nation de vingt-huit millions d’hommes éclairés , est une triste et absurde chimère qui ne prouve autre chose que la petitesse de l’esprit de ceux qui ont pu la concevoir. Un gouvernement peut bien tenter la lutte périlleuse de la force contre l’opinion, et refuser aux hommes toute espèce de droits politiques ; mais reconnaître leurs droits , et prétendre qu’ils n’en fassent point usage, c’est une folie qu’on ne sait comment caractériser. — Redoutez-vous telle ou telle force nationale , ouvrez-lui un champ assez large pour qu elle puisse s’y mouvoir et n’ait point d’intérêt à en dépasser les limites ; laissez agir librement d’autres forces qui lui fassent équilibre, mais ne prétendez pas corafprimer de vos petites mains les ressorts d’une telle puissance. J’ai dit que toutes les précautions contre l’as-

  1. Considérations sur la Révolution française, t. II, P- 4i7.