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les vallées. Elle est la plus dramatique de toutes, parce qu’on a affaire à un adversaire terrible quand il est blessé. Loin d’attaquer l’homme et d’avoir soif de son sang, l’ours se nourrit de mûres, de maïs, de fruits, de choses fort délicates, pour lesquelles il semble inconvenant qu’un personnage gros et laid ait un faible aussi prononcé. Aussi, dans les contes merveilleux, l’ours renferme t-il toujours l’âme d’un beau prince qu’une fée méchante a métamorphosé ; on suppose qu’un animal si distingué dans ses goûts n’est pas une bête ordinaire. Mais lorsqu’il se précipite par vengeance sur l’homme qui l’a blessé, lorsqu’il le met en pièces et sent la chair palpiter sous sa gueule, alors sa nature carnassière se révèle, et il se jettera sur tout être vivant qu’il rencontrera désormais. On s’efforce donc, dans les chasses ; de tuer l’animal d’un seul coup, en visant de près, à l’épaule. Blessé, il peut s’élancer furieux, et, à demi caché par les arbres et les accidents du sol, tomber sur un chasseur qui ne l’attend pas. Il n’y a pas long-temps qu’un jeune homme pris ainsi à l’improviste a tué un ours dans un combat corps à corps : avec moins d’adresse et de courage il eût succombé. Après tout, on ne peut suivre sans intérêt la marche de l’ours lorsque, la tête haute, l’œil fixe, il s’avance à pas comptés vers un groupe d’adroits tireurs : la mort est avec lui.

Nous avons parlé tout à l’heure des paysans de corvée. Il faut donner le sens de cette expression féodale,