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la musique nationale ou qu’il boive quelque peu des excellents vins de son pays pour qu’une bruyante gaîté l’entraîne. Toutefois cette gravité ne lui vient guère qu’après le mariage, lorsqu’il est le chef d’une maison. Jeune homme, il a beaucoup de vivacité et de joyeuse humeur. J’eus un jour pour postillon un garçon de quinze ans dont les saillies me charmèrent. Il me chantait, tout en conduisant, des airs nationaux. Au relais suivant vint un paysan, dont les longues moustaches annonçaient un homme fait. Songeant aux chansons que je venais d’entendre, je le priai de me dire celles qu’il savait. À ma demande, il se retourna sur sa selle, toujours en galopant, et me lança un coup d’œil sans rien dire. J’aurais dû comprendre ce regard, qui signifiait qu’un homme qui se respecte n’ira pas se donner en spectacle à un étranger, comme un Bohémien ambulant. Mais mon étourderie française et ma curiosité l’emportèrent. Je hasardai une seconde fois ma question ; alors il se retourna de nouveau, me fixa quelques secondes, et dit en murmurant : Est-ce que je suis ivre ?

Cette dignité des Hongrois sied parfaitement à leur physionomie, laquelle accuse leur origine asiatique. Grands et musculeux, ils ont le type purement oriental, le nez aquilin, les moustaches noires, le visage plein et le front dégagé. Leur démarche est à la fois grave et ferme, et leurs gestes, en raison même de cette gravité, ne manquent jamais de noblesse. Il faut voir le paysan