Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus riches mettent du pain. Ils donnent à cet usage le nom de pomane, « pour les mânes », car ils espèrent que ceux qu’ils ont perdus ne souffriront dans l’autre monde ni de la faim, ni de la soif, s’ils soulagent eux-mêmes les vivants. Aux foires, hommes et femmes se jettent, pour les baiser, sur les mains du pope qui vient, lui aussi, dans ses sandales de paysan, vendre ou acheter du bétail. Les jeunes filles se promènent avec leurs vases de terre, et offrent à boire à ceux qui sont altérés. Lorsqu’un homme meurt dans la chaumière, les siens préparent une quantité de pains qui seront donnés en pomane : ils les lui montrent pour lui prouver qu’il est aimé. Le mourant les voit à l’œuvre, et mesure leur affection à leur activité.

Certes il ne faut pas désespérer d’un tel peuple. Quel qu’ait été l’abaissement des Valaques, ils se relèveront indubitablement, car ils sont capables d’un développement rapide. Nul ne niera leurs défauts ni leurs vices. Leur paresse est proverbiale : ils s’enivreront le dimanche avec leur eau-de-vie de prunes tant qu’ils auront un kreutzer. Ils ont l’astuce, l’arme du faible, de l’esclave, et la rancune, qui accompagne toujours la ruse. Tandis que le Magyar exhale en un moment sa bouillante colère, le Valaque dissimule et dit entre ses dents : Tine minte[1], « Souviens-t’en ». L’occasion ve-

  1. Tene mentem.