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— Non. — Vous n’êtes pas disposés ? Eh bien ! cela sera pour une autre fois. » Et il s’en alla comme il était venu. Il arriva à un autre de jouer devant un seigneur qui était lui-même habile violoniste. Il se surpassa, et, le morceau fini, reçut des compliments. Puis, comme pour mieux assurer son triomphe, il pria hardiment son auditeur d’exécuter aussi quelque chose. La proposition devait paraître impertinente ; mais le magnat était un homme d’esprit, et, charmé peut-être de montrer son savoir-faire, il prit l’instrument des mains du Bohémien, et fut à son tour applaudi.

Ce dernier trait achève le croquis du Gitane. Il faut se le représenter déguenillé et amaigri, mais ayant conscience de sa valeur parce qu’il porte un violon sous le bras. C’est l’artiste placé au plus bas degré de l’échelle, insouciant, vagabond, mais doué d’une étonnante organisation musicale. Il a des goûts particuliers, une allure qui n’est qu’à lui, et une bonne humeur qui ne tarit jamais. Dans chaque instant il est prêt à vous divertir : faites un signe, il va venir sous vos fenêtres, et, le nez au vent, l’œil animé, jouera toutes sortes de mélodies, tristes ou gaies, tandis que les auditeurs qui l’entourent se serreront dans leurs pelisses.

Quand je voyageai en Transylvanie, j’aperçus un jour, au moment d’entrer dans une petite ville, deux individus étendus sur l’herbe trempée de rosée. Au bruit de la voiture, l’un d’eux leva la tête, saisit son