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viendraient se faire entendre sous les fenêtres de l’hôtellerie, car la voiture d’un étranger stationnant à la porte ne manquait jamais d’attirer les Gitanes. Ceux qui ont du talent sont recherchés des seigneurs : pendant l’hiver, ils forment l’orchestre des bals. Un magnat transylvain, à Bethlen, entretient une bande de Czigány qui se sont rendus célèbres, et qui exécutent entre autres d’une façon très touchante l’air fameux de Rákótzi. Ils eurent un jour l’idée d’aller jouer cet air rebelle chez l’archiduc Ferdinand d’Este, envoyé par l’empereur à Clausenbourg, lors de la dissolution violente de la Diète, pour surveiller les Transylvains. Le prince les fit chasser sur-le-champ.

Ainsi que le veut le proverbe hongrois, les Gitanes sont naturellement fort impudents ; mais ils poussent ce défaut à l’excès quand leurs talents en musique demandent pour eux quelque indulgence. C’est sans doute le sentiment de leur supériorité artistique qui cause cette assurance ; toujours est-il qu’ils usent parfois avec les seigneurs d’une familiarité qui paraît incroyable en Transylvanie. Je me trouvais à Clausenbourg chez un jeune magnat ; nous causions seuls dans le salon. Tout à coup une fausse porte s’ouvre, et un Gitane, entrant ainsi comme un habitué, paraît devant nous son violon sous le bras. Grande surprise de notre part. Il nous dit : « Je suis venu jusqu’ici pour vous proposer un concert. Voulez-vous nous entendre ?