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Les Bohémiens de cette sorte, qui n’ont pas encore renoncé à la vie nomade, ne paient aucun impôt ; ils n’existent pas aux yeux de l’administration, et ne comptent pas plus que les loups des forêts. Bien qu’ils vivent d’ordinaire dans une excessive pauvreté, et que leur existence, la plupart du temps, soit des plus problématiques, on nous a assuré que plusieurs d’entre eux ont acquis quelques richesses. Par quel moyen ? le diable le sait. Quoiqu’il en soit, on raconte qu’on a vu de ces vagabonds, en arrivant dans un nouveau campement, creuser la terre, y enfouir des ducats, des perles et des bijoux, et, la fosse refermée, planter au dessus la tente trouée qui les abrite. Je tiens ces détails d’un drôle de mes amis — que le lecteur me pardonne cette connaissance ! — qui n’avait pas seulement un clou à enfouir, mais qui, pour se consoler, disait, en clignant de l’œil, que quelques uns de ses frères, vagabonds et déguenillés comme lui, avaient les mains pleines d’or. Où la philosophie va-t-elle se nicher ? Voilà un homme qui meurt de faim : une métaphore et peut-être un mensonge lui viennent à l’esprit, et il ne demande plus rien au monde !

Un voyageur aperçut un jour un Gitane qui battait sur l’enclume près de la route. Il descendit de voiture et lui demanda ce qu’il faisait : — « Des clous, répondit le tzigány. — Tu n’es pas habile, dit l’étranger, ils ne valent rien. Ne saurais-tu pas forger un clou à cheval ? »