Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/366

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Au sommet, en couronne, triomphe le clocher, droit comme une futaie de hêtres rapprochés tout près les uns des autres.

Des soldats romains ? Non ! Ce sont des géants qui ont fait cela !


Le beau porche ! C’est d’abord de l’ombre douce qui s’est condensée, modelée. Rien de hâtif dans cette sculpture ; il faut du temps pour y pénétrer. Cet art ne vous cherche pas, il vous attend. Si vous consentez à venir, il vous enseignera la vérité éternelle. Il n’est pas pressé…

Les saintes se tiennent droites comme la règle ; mais la règle est le principe de la grâce : ces saintes sont gracieuses. — Et les feuillages chapitonnent, et le nimbe s’élance au ciel de la voûte. — Le Christ, terrible dans son geste, l’Ange, le taureau, le lion et l’aigle. — Les têtes sont effacées, cassées ; pourtant, je les vois ; parce qu’elles étaient dans le plan.

Le plan est tout, dans l’architecture et dans la sculpture, ai-je dit : poètes, musiciens, peintres, n’est-il pas tout dans tous les arts ?

Ces figures merveilleuses n’ont de rivales qu’à Chartres et à Athènes. Quelle parfaite entente du bas-relief ! C’est l’aspect archaïque grec dans toute sa force et sa simplicité. Les effets procèdent les uns des autres et se complètent par dérivés ; nulle part le secret de la vie n’a été mieux rendu, c’est la vie même, pour plus exactement dire. Elle ne s’est pas manifestée seulement par la main des artistes ; elle poursuit après eux, depuis eux, son action sur leurs chefs-d’œuvre, et ceux-ci se sont transformés à travers les siècles, et continuent à se transformer sous l’influence du soleil, sans jamais avoir été ni pouvoir devenir inférieurs à eux-mêmes. Au contraire ! ils sont plus beaux aujourd’hui qu’ils n’ont jamais été, parce qu’en eux s’est ajoutée à la vertu du génie la vertu du Temps. L’artiste, prévoyant, a, d’ailleurs, protégé ses figures, comme d’un dais, par un avant-corps d’architecture qui leur ménage la lumière des rayons obliques. Quand ces rayons décroissent, peu à peu les figures entrent dans l’ombre du dais. Mais, quand les rayons renaissent, c’est tous les jours le miracle de la Transfiguration.

État glorieux ! Tout revient doucement, sort des fonds. Apparitions ! Et le céleste entretien des héros, des saints, recommence. Pas de noir pur.