Viollet-le-Duc lui-même — bien que son principal titre de gloire soit d’avoir rendu à l’art gothique, par ses explications historiques et professionnelles, sinon par ses restaurations, un hommage si éclairé — a commis une erreur grave « en instituant un violent antagonisme entre l’architecture nouvelle et celle qui l’avait précédée, et en soutenant que les laïques, créateurs de l’architecture gothique, furent systématiquement hostiles, sinon aux croyances du temps et à l’esprit religieux, du moins aux traditions monastiques qui avaient dominé dans l’architecture romane[1] ».
Qu’est-ce donc que la Cathédrale ?
Œuvre d’amour, d’enthousiasme et de foi, jadis, objet de haine et de mépris, hier, d’étonnement et d’admiration, aujourd’hui, qu’est-ce, à bien précisément dire, que cet ensemble moral et matériel, cette unité multiple, ce colossal et majestueux et mystérieux monceau de pensées et de pierres ?
Est-il possible de répondre d’un trait et tout de suite à cette question ? L’apparence immédiate et l’ordonnance physique, plastique, de l’édifice nous renseignent-elles suffisamment ? Et comment nous en rapporterions-nous, s’ils ne sont pas tout à fait d’accord, à ce que nous en disent les historiens, les esthètes, les archéologues ? Nous sommes au lendemain d’une longue période d’erreur, et nous venons de voir que même les admirateurs de la Cathédrale en ont donné, parfois, des explications singulièrement fausses ou incomplètes. Cette période trouble est-elle si décidément dépassée que nous puissions nous référer sans contrôle à l’autorité même des plus récents spécialistes ? que nous n’ayons pas besoin de faire appel à notre propre raison pour choisir entre eux, ou pour coordonner les éléments de la vérité, s’ils nous les offrent épars, ou pour les éclairer s’ils les ont obscurcis par des commentaires contradictoires ?
- ↑ André Michel, Histoire de l’Art, tome I, Du début de l’Art chrétien à la fin de la période romane.