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LE GUIDE CULINAIRE

reçoit les soins voulus, soit pour sa préparation, soit pendant son usage.

La graisse de veau donne une friture plus fine, mais sans résistance à la fatigue, et elle doit être appuyée de graisse de bœuf.

La graisse de mouton est à écarter, sans aucune hésitation, parce que : si elle provient d’un sujet vieux, elle porte un goût de suif ; si elle est issue d’un sujet jeune, elle fait mousser la friture, laquelle risque de déborder et de causer de sérieux accidents.

La graisse de porc, ou panne, s’utilise aussi en friture, associée avec une autre graisse ; mais on l’emploie plutôt comme condiment.

Au résumé, c’est la graisse de rognon de bœuf qui convient le mieux pour la friture de grand travail.

Les fritures de cuisines bourgeoises dont la fatigue est moindre, peuvent se composer de moitié graisse de rognon de bœuf et moitié graisse de veau, ou comporter deux parties de graisse de bœuf, une partie de graisse de veau et une partie de graisse de porc.

La graisse pour friture ne doit pas seulement subir une fonte, mais une cuisson complète qui en assure la purification. — Si elle est insuffisamment cuite, elle mousse au début de sa mise en usage et nécessite beaucoup de précautions, jusqu’à ce que des calorifications répétées l’aient mise au point. En plus, si elle n’a pas été purifiée à fond, elle pénètre avec facilité les objets qui sont plongés dedans, et les rend indigestes.

Toute graisse destinée à faire de la friture doit être coupée en menus morceaux, et mise en casserole avec la valeur de trois quarts de litre d’eau par 5 kilos de graisse. — Cette eau a pour but de préparer et de faciliter la fonte de la graisse, parce que, en se vaporisant, elle la pénètre et en ouvre les pores en la gonflant. Tant que cette eau n’est pas complètement évaporée, la graisse ne subit qu’une action liquéfiante ; c’est-à-dire la dissolution des molécules qui la composent ; c’est seulement quand elle ne contient plus aucune humidité, que commence sa cuisson réelle complétée par sa purification.

La graisse est au point lorsque : 1o les membranes qui l’enveloppaient restent seules, sous forme de rillons rissolés ; 2o lorsqu’il s’en dégage une fumée sensible à l’odorat.

Comme cette graisse détient, à ce moment, une très forte chaleur, il est prudent de la tenir hors du feu pendant 10 minutes, avant de la passer au tamis ou à travers un fort torchon, en tordant celui-ci fortement.