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POTAGES

que c’était le seul moyen d’établir un principe définitif pour chaque chose, et de remplacer le chaos des dénominations par un ordre rigoureux, et surtout logique.

Considérations sur le Service des Potages.

Nous ne voulons pas entreprendre de réfuter ici, les arguments de certains gourmets qui, il y a quelque dix ans, avaient entrepris une croisade contre le Potage, et juré son abolition.

Le sujet serait intéressant à traiter, mais il nous entraînerait dans des dissertations auxquelles notre cadre ne se prête pas.

Nous ferons simplement appel à la magistrale autorité de Grimod de la Reynière, qui a prononcé un véritable apophtegme en disant à ce sujet : « Le Potage est à un dîner ce qu’est le portique ou le péristyle à un édifice ; c’est-à-dire que, non seulement il en est la première pièce, mais qu’il doit être combiné de manière à donner une juste idée du festin, à peu près comme l’ouverture d’un Opéra-Comique doit annoncer le sujet de l’ouvrage. »

L’idée de l’illustre gastronome est aussi la nôtre : l’usage du Potage nous semble indiscutable et, dans la rédaction d’un menu, il n’est pas un praticien qui n’en comprenne la sérieuse importance et la nécessité absolue.

De tous les articles qui composent le programme gourmand qu’est un menu, les potages sont ceux qui exigent la plus sévère attention et la plus délicate perfection ; car, de l’impression bonne ou mauvaise qu’ils produisent sur le convive, dépend, en grande partie, le succès du reste du dîner.

Le Potage doit être servi brûlant, dans des assiettes aussi chaudes que possible : c’est là un point capital, surtout s’il s’agit d’un Consommé, et qu’il ait été précédé de Hors-d’œuvre froids.

Les Hors d’œuvre, dans un dîner, sont un non-sens ; et l’on devrait, même quand ils sont figurés par des Huîtres, les admettre seulement aux repas qui ne comportent pas de Potages.

Ces Hors-d’œuvre qui comprennent des poissons divers, à l’huile ou fumés, et des salades fortement condimentées, laissent au palais du convive une impression savorique néfaste ; et lui font trouver fade et insipide le Potage qui les suit, s’il n’est pas servi absolument brûlant.

On conçoit dès lors que l’obligation de servir très chaud, laquelle est un des principes fondamentaux des services et de la cuisine, s’impose comme une nécessité absolue quand il s’agit des Potages.