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Jean, s’asseyant sur le tête-à-tête.

Ah ! Hortense, vous ne m’aimez pas comme je vous aime. Vous avez des pensées que je ne connais pas, des soucis que vous me cachez… à moi qui donnerais ma vie pour effacer un pli de votre front adoré.

Hortense.

Vous seriez bien avancé, mon pauvre Thomé, si je vous racontais les tracas de la vie parisienne, auxquels vous ne comprendriez peut-être pas grand’chose, et ne pourriez certainement rien !… Imitez ma discrétion. Quand vous êtes triste comme hier, est-ce que je vous demande à quoi vous pensez et quel blanc fantôme vos yeux distraits cherchent au plafond ? Et pourtant, j’aurais peut-être, moi, quelque sujet d’être jalouse de vos rêveries,

Jean, se levant.

Non ! je vous le jure ! Ce n’est pas mon cœur qui souffre, c’est ma loyauté ; je manque à des engagements sacrés.

Hortense.

Oh ! vous avez encore trois mois devant vous pour les remplir, trois mois… le temps de m’oublier !…

Jean.

Je n’épouserai jamais Marie, vous le savez bien. Quel plaisir trouvez-vous à me torturer ? Ne vous suffit-il pas que je sois parjure envers elle sans me croire capable de l’être encore envers vous ? Et puis, que signifie cette comparaison que vous me faites de mes tristesses aux vôtres ? Ont-elles donc une cause semblable ? Quand vous ne m’écoutez pas, à qui songez-vous donc ?