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patrie sans rien demander, sans rien attendre d’elle que l’honneur de lui donner son sang. À ses yeux, la récompense était tout entière dans le devoir obscur, simplement accompli. En outre, il considérait l’armée comme un apprentissage des vertus nécessaires, comme le complément de toute éducation virile : il estimait que c’est là que se trempent les âmes. Le fils fit la guerre en Afrique, se battit comme un lion, et, comme son père, revint simple soldat. À dix-huit ans, j’ai fait comme avaient fait mon grand-père et mon père ; mes frères ont fait comme moi, et nos fils feront comme nous.

Hortense.

Que c’est étrange ! Ainsi, monsieur, dans votre famille, vous êtes tous nourris de père en fils dans l’amour de la patrie.

Jean, s’asseyant.

Vous l’avez dit, madame.

Hortense.

Mais madame votre mère ? Toute sa jeunesse s’est donc écoulée loin du monde, dans cette solitude qui parfois doit être bien austère.

Jean.

Le monde et la solitude n’ont jamais existé pour elle, madame. L’amour désintéressé n’était pas rare quand mon père rencontra celle qui devait être un jour la compagne du reste de sa vie. Elle était pauvre, il était maître de son patrimoine, et, pouvant disposer de lui-même à son gré, il épousa la jeune fille qu’il aimait. L’un et l’autre n’avaient consulté que leur inclination mutuelle ; ni l’un ni l’autre n’eurent sujet de s’en repentir. Ma mère pourrait vous dire en quelques mots toute