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Hortense.

Simples soldats ?

Jean.

C’est une tradition de famille.

Hortense.

Contez-moi donc cela. Tout ce que vous me dites m’étonne et m’intéresse. (S’asseyant sur un banc à gauche.) Voyons, mettez-vous là ! J’adore les légendes.

Jean.

Oh ! madame, il n’est pas question de légendes, rien est plus simple. Le comte de Thommeray, mon grand-père, avait fait la guerre de Vendée. Il s’était marié, il avait un fils et vivait dans la retraite. En 1814, quand la France fut envahie, il ne vit qu’une cause à servir, celle de la patrie menacée ; il étouffa ses anciennes rancunes, il fit taire ses opinions et partit comme simple volontaire. Il se battit vaillamment, refusa toute récompense, et, la campagne terminée, il revint chez lui pour achever de vieillir à l’écart.

Hortense.

C’était un galant homme que monsieur votre grand-père !

Jean, fièrement.

Oui, madame. Il enseigna de bonne heure à son fils ses devoirs envers le pays et l’envoya à l’armée dès qu’il eut ses dix-huit ans. Il pensait que tout homme, en entrant dans la vie, doit payer sa dette ; que rien ne peut l’en affranchir, pas plus le rang que la richesse, et que l’exemple ne saurait venir de trop haut. En vieillissant, il s’était fait là-dessus des idées très nettes et très arrêtées. Il entendait que, dans sa famille, on servît la