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tance. Après avoir attaqué de toutes les manières la fatale résolution de mon père, il lui donna son compte. Si le brave homme vous avait écouté, monsieur le marquis, je tirerais tranquillement le cordon chez vous à l’heure qu’il est, au lieu de tirer le diable par la queue.

Le Marquis.

Regretteriez-vous le bienfait de l’éducation ?

Giboyer.

Il m’a mené coucher loin !

Le Marquis.

Vous m’étonnez !

Giboyer.

Tant qu’ont duré mes études, j’ai vécu comme un coq en pâte. Je remportais tous les prix, et les marchands de soupe se disputaient votre serviteur comme une réclame vivante ; si bien qu’en philosophie j’avais obtenu de la concurrence une chambre à part, avec la permission de fumer et de découcher. Mais le lendemain de mon baccalauréat, il fallut en rabattre.

Le Marquis.

Votre bienfaiteur vous planta là ?

Giboyer.

Oh ! non !… Il m’offrit une place de pion à six cents francs ; mais il me supprima la chambre, la pipe et les permissions de dix heures. Ça ne pouvait pas durer ; je lâchai l’enseignement, et je me jetai dans les aventures, plein de confiance en ma force et ne soupçonnant pas que ce grand chemin de l’éducation, où notre jolie société laisse s’engouffrer tant de pauvres diables, est un cul-de-sac.