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je n’en avais jamais eu que par boutades ; je fis donc mon deuil du bâton de maréchal et me vouai, avec la résignation d’un caporal anglais, au grade de maître clerc à perpétuité. Puis il me vint une fille sous forme de pupille : cette affection me conduisit doucement au delà de la cinquantaine, et je ne m’aperçus que j’étais resté garçon que le jour où je te mariai. Ce jour-là, je me trouvai bien seul et bien inutile ; mon existence n’avait plus de but. Je rencontrai Séraphine ; sa mère, malade, allait bientôt la laisser sans appui, sans ressources. J’avais quatre-vingt mille francs de mon mince patrimoine et de mes économies ; je n’étais plus jeune, mais je n’étais pas vieux ; elle consentit à m’épouser, et je recommençai à vivre.

Thérèse.

Je vous trouve changé.

Pommeau.

Je vieillis !

Thérèse.

Non, vous travaillez trop… parce que Séraphine dépense trop, et voilà ce que je tiendrais à lui faire comprendre.

Pommeau.

Garde-t’en bien, mon enfant : rien ne me serait aussi douloureux qu’une ombre de mésintelligence entre elle et toi.

Thérèse.

Vous lui faites injure : elle n’est pas femme à mal prendre des observations amicales : la tête est légère, mais le cœur est bon, et lorsqu’elle réfléchira à ce qu’un seul de ses chiffons vous coûte à gagner…