Page:Augier - Théatre complet, tome 4.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sais-tu ce que je suis pour les amis de ces dames, pour leur monde fashionable ? Le mari d’une femme qui a fait un sot mariage, un mari subalterne, un chaperon, un porte-éventail ! Je leur fais l’effet, dans l’exercice de mes privilèges maritaux et domestiques, d’un laquais en galanterie avec sa maîtresse. Et moi-même, quand il faut entrer dans leurs salons et subir leur politesse dédaigneuse, je me prends à envier les drôles galonnés dont le service, du moins, ne dépasse pas l’antichambre ! Tu me parlais de mes succès… les voilà !

Michel.

Je suis consterné… mais c’est impossible… tu te trompes, ta femme ne t’exposerait pas…

Pierre.

Si on la traitait comme on me traite, j’en pleurerais de rage… Elle ne s’en aperçoit seulement pas !

Michel.

Elle ne t’aime donc pas ?

Pierre, brusquement et essuyant une larme.

Non.

Michel.

Tu es fou. Pourquoi t’aurait-elle épousé ?

Pierre.

Est-ce que je sais ! Je lui ai plu un jour… un jour sans lendemain ! Pourquoi me l’a-t-on donnée ? Je pouvais l’oublier ! je ne le puis plus maintenant qu’elle est à moi… Je suis bien malheureux, va ! Est-ce le mépris du monde qui m’atteint dans son cœur ?

Il tombe sur une chaise.