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où le luxe n’était pas encore descendu avant nos jours.

Enfin, l’ulcère que nous nous proposions de révéler n’étant pas l’adultère, mais la prostitution dans l’adultère, il importait d’éviter toute confusion entre les deux sujets, ce qui n’eût pas manqué d’avoir lieu par un conflit entre la jalousie d’un jeune mari et sa probité. Un Pommeau de trente ans n’eût pas été vrai, disant : « J’en suis réduit à ne plus compter avec la chute, tant la faute disparaît devant l’énormité de la honte. » Si la vieillesse du mari excuse en quelque sorte l’infidélité de la femme, elle n’excuse nullement sa vénalité, et notre sujet nous reste ainsi isolé et entier.

Voilà, bonnes ou mauvaises, les explications que nous pensions devoir à la critique ; je voudrais, pour ma part, que l’usage de ce cordial échange de réflexions s’établît entre elle et les auteurs, convaincu que l’art n’aurait qu’à y gagner.

Qu’on me permette maintenant de prendre la parole pour un fait personnel, et j’aurai tout dit.

C’est encore une explication, que je dois — celle-là — à l’Académie Française.

Quand elle m’a fait l’honneur de m’admettre dans ses rangs, elle m’a très spirituellement et très paternellement tancé de mes collaborations, quoique rares et bien choisies ; et voilà qu’à peine entré dans son giron, je retourne à mon péché !

Je suis volontiers de l’avis de M. Le Brun à l’endroit de la collaboration ; mais on n’est pas toujours maître de sa destinée. Voyez en ce cas, par exemple : j’ai pour ami intime un de mes confrères, qui n’a pas plus que moi l’habitude de collaborer. Mais nous ne sommes très mondains ni l’un ni l’autre et passons aisément notre soirée au coin du feu. Là on cause de choses et d’autres, comme le Fantasio de notre cher de Musset, en attrapant tous les hannetons qui passent autour de la chandelle ; et si parmi ces hannetons il voltige une idée de comédie, auquel des deux appartient-elle ? à aucun et à tous deux. Il faut donc lui rendre la volée ou la garder par indivis.

Il est bien vrai, comme l’observe M. Le Brun, que le public, trouvant devant lui deux auteurs, ne sait à qui s’adresser, s’embarrasse et dit : « Lequel des deux ? » Nous serions bien embarrassés nous-mêmes de lui répondre, tant notre