Page:Augier - Théatre complet, tome 4.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


PRÉFACE
DE LA PREMIÈRE ÉDITION


Aujourd’hui que notre pièce a gagné son procès devant le public et la presse, je me sens fort à l’aise pour parler sans passion des obstacles qu’elle a eu à surmonter avant d’arriver à ses juges naturels.

La résistance obstinée qu’elle a rencontrée dans le sein de la commission de censure n’est pas un fait isolé qu’on puisse passer sous silence : c’est tout un système. Que MM. les censeurs me permettent donc de leur présenter quelques observations sur leurs fonctions, dont ils ne me semblent comprendre ni toute la portée ni les limites exactes.

Pour formuler sur-le-champ les deux termes de ma pensée, la censure manquerait autant à son devoir en désarmant la comédie qu’en tolérant qu’elle tournât ses armes contre la société. Cependant de ces deux écueils, le dernier est le seul qui la préoccupe ; quant au premier, elle semble n’y pas attacher d’importance. Singulière contradiction que j’observe chez la plupart de ceux qui parlent de la comédie ! Ils lui concèdent pleinement la puissance de faire le mal ; ils lui refusent celle de faire le bien. Il faudrait choisir cependant et les lui reconnaître ou les lui dénier toutes deux. Ses adversaires disent qu’elle n’a jamais corrigé personne : soit ;