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Paris, piteusement.

Les femmes, en effet, me trouvent un peu maigre.

Cléon.

Cette maigreur est leste, et ne te messied point.
Que je la troquerais contre mon embonpoint !

Paris.

Es-tu fou, cher Cléon ? un peu de corpulence
Commande le respect, prouvant la tempérance ;
Et quand je vois passer un homme au teint fleuri,
Voilà, dis-je aussitôt, un excellent mari,
Un mari qui fera le bonheur de sa femme ;
Car la santé du corps marque celle de l’âme :
La vertu seule est grasse, et les mauvais sujets
Ont beau manger et boire, ils n’engraissent jamais.

Hippolyte.

Vous ne vous flattez pas.

Paris.

Vous ne vous flattez pas.Jamais je ne déguise…
Aussi, pour m’achever de peindre avec franchise,
Je suis taquin, grondeur sans trop savoir pourquoi ;
Amoureux à l’excès de dominer chez moi ;
Du reste, tracassier comme une vieille femme…
Ajoutez que je fais parfois des vers, Madame.
Le portrait n’est pas beau, mais quoi ! j’ai le désir
Que vous me connaissiez avant de me choisir.

Hippolyte.

Cette délicatesse est pleine de prudence ;
Mais elle s’est émue un peu trop à l’avance,
Et le danger est loin dont tous me préservez.