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Clinias.

Pardon, elle t’atteint pleinement, au contraire.

Cléon.

Ai-je donc fait, pour être en butte à ce soupçon,
Comme ce cher Paris, vœu de mourir garçon ?
Après un pareil vœu, s’il changeait de pensée,
Il serait convaincu d’une âme intéressée…
Mais moi !…

Paris.

Mais moi !…Va ! ne crains rien de ma rivalité.
Pour m’enrichir un peu, vendre ma liberté !
J’aurais honte !

Cléon.

J’aurais honte ! Pas moi ! le célibat m’ennuie ;
Il convient à vingt ans quand tout rit dans la vie ;
Mais, lorsque l’âge, auquel le cœur même est soumis,
A refroidi nos goûts, dispersé nos amis,
Alors le célibat, morne, désert et rude,
N’est plus la liberté, mais bien la solitude.

Clinias.

Hélas !

Cléon.

Hélas ! Chaque saison apporte ses besoins.
Et l’homme qui toujours conserve mêmes soins,
Et s’obstine, malgré les progrès de son âge,
Dans sa jeune habitude et son libertinage,
Ressemble, vieux garçon, à ce fol entêté
Qui grelotte en hiver dans son manteau d’été.
Je veux me marier pour fuir cette détresse,
Et n’en suis pas honteux du tout, je le confesse.