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exacte, elle est aussi la seule complète, la précédente ne comprenant pas les Fourchambault. Cette comédie, jouée plus tard, restait comme l’amorce d’un nouveau volume que je comptais écrire alors et que je n’écrirai pas, car je me suis admis, depuis, à faire valoir mes droits à la retraite.

D’aucuns veulent bien me dire que je me retire trop tôt : je n’en sais rien, mais au moins suis-je sûr, me retirant sur un succès, de ne pas me retirer trop tard, ce qui a été ma préoccupation depuis mon entrée dans la carrière. Voici comment cette crainte me hanta de si bonne heure :

Je causais un jour après la Ciguë avec un directeur qui me demandait ma seconde pièce (laquelle, par parenthèse, obtint une chute des plus légitimes) ; l’huissier entra et présenta au directeur une carte de visite : « Il m’embête à la fin, s’écria le potentat. Dites à ce monsieur que je suis occupé. » Or ce monsieur c’était Scribe lui-même, Scribe, cet esprit alerte et fertile qui, pendant quarante ans, avait été le grand pourvoyeur des théâtres et la Providence des directeurs. Il ne s’était pas retiré à temps! Je me suis juré, ce jour-là, que je n’embêterais jamais aucun imprésario et je me tiens parole. J’ai encore dans l’oreille la voix de celui-là[1].

  1. Rencontre bizarre ! Mon cher Labiche a eu exactement la même aventure avec un autre directeur, et il en a tiré la même leçon que moi.