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La moindre paysanne au bras de son mari ?
Où que vous conduisiez son exil adultère,
Vous la verrez baisser les regards et se taire
Lorsque les bonnes gens se tenant par la main
Sans ôter leur chapeau passeront leur chemin.
Pauvre femme ! ses yeux errant dans l’étendue,
Comme pour y chercher la paix qu’elle a perdue,
Tâchent de découvrir par delà l’horizon
La place bienheureuse où fume sa maison,
La maison où jadis elle entra pure et vierge…
Tandis que, derrière elle, une chambre d’auberge
Garde pour compagnon à ses mornes douleurs
Un étranger pensif dont la vie est ailleurs !

Stéphane.

Non ! dites un amant dont le sourire efface
Ce que ses yeux en pleurs demandent à l’espace.

Julien.

Croyez-vous donc…
Croyez-vous donÀ Gabrielle.
Croyez-vous donc…Crois-tu qu’il soit heureux l’amant ?
Non ; dans son amour même il trouve un châtiment :
Plus il honorera sa maîtresse en épouse,
Plus le tourmentera sa mémoire jalouse ;
Car elle aura beau faire, elle ne fera pas
Qu’un autre ne l’ait point tenue entre ses bras !
Elle peut bien donner son honneur et sa vie,
Sa beauté, tout… hormis sa pureté ravie,
Hormis la foi jurée et le lit nuptial,
Et l’oubli d’un mari qui devient un rival.
Ce souvenir la souille ou du moins la profane…

Mouvement de Gabrielle.

Si tu doutes, crois-en la pâleur de Stéphane.