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Julien.

Vous croyez que madame ?…Oui, je ne sais pourquoi,
Son cœur de jour en jour se retire de moi.

Stéphane.

Soupçonnez-vous qu’un autre ?…

Julien.

Soupçonnez-vous qu’un autre ?…Un autre ? — Gabrielle
Ne trompera jamais ma confiance en elle.
Mais n’est-ce point assez de perdre son amour ?

Stéphane.

Vous l’aimez donc… beaucoup ?

Julien.

Vous l’aimez donc… beaucoup ? Autant qu’au premier jour ;
Plus même. — Elle n’est plus seulement mon délice,
Elle est le fondement de tout mon édifice.
Son amour me manquant, tout me manque à la fois.
Jugez donc ce que vaut ma gaîté quand je vois
Sa froideur sous mes yeux incessamment accrue !
— Je suis le laboureur assis sur sa charrue,
Qui d’un air hébété fredonne une chanson,
En regardant le feu dévorer sa moisson.

Stéphane.

Vous vous exagérez sans doute…
Vous vous exagérez sans douteÀ part.
Vous vous exagérez sans doute…Que lui dire ?

Julien.

Je n’exagère rien, non ; son cœur se retire.
Si je savais pourquoi, je pourrais y pourvoir…
Et par vous, mon ami, j’espère le savoir.