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Julien, la prenant dans ses bras.

Oh ! oui.Te voilà belle avec ta robe blanche !

Camille.

C’est ma bonne qui m’a coiffée, et pas maman,
Parce qu’elle lisait dans un livre.

Julien

Parce qu’elle lisait dans un livre.Un roman !

Camille.

Pourquoi faire lit-elle après qu’elle sait lire ?

Julien.

Ma foi, je serais bien en peine de le dire,
Car elle a constamment ouvert devant les yeux
Le livre le plus pur et le plus gracieux
Que poète ait jamais tiré de sa cervelle…
Un enfant rose et blanc qui grandit autour d’elle !
— Tu ne me comprends pas, mais cela m’est égal.
Va, cher petit roman de mon destin banal,
Ma seule rêverie et ma seule aventure,
Ce n’est pas moi qui cherche un bonheur en peinture !
Ta présence suffit à verser largement
La gaîté dans mon cœur et l’attendrissement ;
Et la seule chimère à laquelle je tienne,
C’est de jeter ma vie en litière à la tienne.
Ô cher trésor ! — Elle est si belle, qu’on rirait
Si j’osais avouer qu’elle est tout mon portrait !
— M’aimes-tu bien au moins ?

Camille.

M’aimes-tu bien au moins ? Oui, bien ! bien !

Julien.

M’aimes-tu bien au moins ? Oui, bien ! bien ! Va, cher ange,
Ton père t’aime aussi diablement en échange !