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Clinias.

Non pas ; mais, ennuyé de moi comme des autres,
Sachant, hélas ! par cœur mes bons mots et les vôtres,
Me trouvant si stupide au fond, que, sur ma foi,
Je ne connais que vous plus stupides que moi ;
Ayant goûté de tout, et n’ayant plus au monde
Nul objet désirable où mon espoir se fonde ;
Las du vice, et pourtant à ce point corrompu
Que je doute s’il est pire que la vertu,
Je m’en vais de la terre où plus rien ne m’amuse ;
Et Minos voudra bien accepter pour excuse
Que j’étais dégoûté de l’homme, et curieux
D’aller voir de combien en diffèrent les dieux.

Paris.

Imite-moi plutôt que mourir : à ton âge,
Je m’ennuyais aussi de mon libertinage
Je bus obstinément, et bientôt j’éprouvai
Que l’ennui s’écoulait avec le vin cuvé.

Clinias.

S’abrutir ou mourir ? c’est une même chose !
Nous prenons le remède à différente dose,
Chacun selon sa force ; et, par même raison
Que tu prenais du vin, je prendrai du poison.

Cléon.

Oui ; mais n’as-tu le choix que d’un moyen extrême ?
Ce qui te lasse, ami, me lasse tout de même.
Mais je ne me vais pas mettre à mort pour cela,
Ni non plus imiter l’éponge que voilà.
Je vais me marier.

Clinias.

Je vais me marier.C’est faire en homme sage ;
Ta nature, en effet, te poussait au ménage :