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mandement, et je n’ai eu qu’une seule fois à sévir.

Je suis arrivé à Brazzaville en août 1920. Quelques semaines auparavant une tournée de police avait, d’après le journal de route des officiers la commandant, exterminé cinq cent trente-huit indigènes : hommes, femmes et enfants. (En A E F la tournée de police était de règle ; plusieurs chaque année se promenaient dans des régions diverses.)

Cette hécatombe n’avait ému personne, ni le gouverneur de la colonie, ni le gouverneur général intérimaire, ni le général commandant supérieur des troupes. Bien au contraire, les autorités militaires demandaient au ministère de la guerre des récompenses pour les officiers ayant commandé cette tuerie.

D’août 1920 à mon départ de l’A E F, en 1924, les tournées de police ont été complètement interdites et ne devraient être jamais reprises. Bien plus, j’ai fait supprimer onze compagnies de tirailleurs ; l’administration militaire a été remplacée par l’administration civile. Des fonctionnaires civils sont établis dans cette région jusqu’ici considérée comme irréductible, où se déroula la dernière tournée de police en 1921. Ces fonctionnaires ont les meilleurs rapports avec les indigènes au terrible renom, au milieu desquels ils vivent. Et cela durera tant que de nouvelles brutalités n’auront pas été commises.[1].

  1. Au moment où je termine cette préface, j’apprends que les Bayas de la région de Boda, exaspérés par les procédés de l’administration chargée de recruter des travailleurs par la force, travailleurs expédiés loin de chez eux et succombant dans la proportion de 50 0/0 des recrutés, se sont révoltés et ont pris la brousse, après avoir tué et mangé les miticiens recruteurs. Voilà où aboutit la manière forte. Depuis cinq ans, cette région aujourd’hui révoltée était absolument, calme.