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ces nombreuses scènes qu’il m’a été donné de contempler et qui, toutes, ont imprimé dans mon âme le sentiment profond de la puissance divine, toujours agissante et partout la même !

Cette espèce n’a jamais que trois œufs au plus, et dans aucun des nids qui, par milliers, couvraient l’île aux oiseaux, il ne m’est arrivé d’en trouver davantage. J’avais envie de m’assurer si le mâle et la femelle couvent alternativement ; mais je ne pus y parvenir, les oiseaux ne s’éloignant d’habitude de leur nid que pour une demi-heure ou trois quarts d’heure. La différence très légère de taille et de couleur qu’il y a entre les sexes fut une autre cause qui m’empêcha d’éclaircir mes doutes à cet égard.

C’était chose curieuse d’observer leurs mouvements et la manière dont ils se comportaient, chaque fois qu’une grosse troupe de leurs semblables abordait sur l’île. Tous ceux que ne retenaient par les soins de l’incubation, s’enlevaient en poussant de grands cris ; ceux qui étaient restés par terre les rejoignaient aussi vite que possible ; et tous ensemble, formant une masse compacte et sur un front d’une immense étendue, ils semblaient vouloir fondre sur nous, passaient au-dessus de nos têtes, et bientôt tournaient brusquement pour renouveler leur simulacre d’attaque. Quand nos matelots se mettaient à crier de toutes leurs forces, la phalange entière faisait un moment silence, comme pour écouter ; mais l’instant d’après, ainsi qu’une vague profonde se brisant contre un rocher, ils se précipitaient en avant, avec un bruit épouvantable.