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à un très grand âge ; quelques personnes disent même jusqu’à cent ans. À ce sujet, je n’ai qu’une observation à faire : c’est qu’un jour je tuai un de ces oiseaux, une femelle qui, à en juger par l’apparence, devait être en effet excessivement vieille. Sa queue et les plumes de ses ailes étaient en si mauvais état et si usées, la couleur en était tellement passée, que je m’imagine que l’oiseau avait perdu la faculté de muer. Les pieds et les jambes étaient couverts de grosses verrues, les serres et le bec émoussés ; à peine pouvait-il voler à plus de cent pas, d’un trait, et encore le faisait-il avec une lourdeur et une faiblesse de mouvements, telles que je n’avais jamais rien vu de pareil, dans aucun oiseau de cette espèce. Le corps était pauvre et la chair coriace. Les yeux seuls semblaient n’avoir point souffert ; ils étaient restés étincelants et pleins de vie ; et même, après la mort, paraissaient n’avoir perdu que peu de leur éclat. Je ne trouvai, sur son corps, aucune ancienne blessure.

On voit rarement cet aigle seul, l’attachement mutuel qui se forme entre les deux individus d’un même couple paraissant durer depuis la première union jusqu’à ce que l’un des époux meure ou soit détruit. Ils chassent pour la subsistance l’un de l’autre, et rarement prennent leur nourriture séparément. Mais ils ont l’habitude d’écarter les autres oiseaux de la même espèce. Leurs ébats amoureux commencent plus tôt, chaque saison, que pour aucun autre oiseau de terre que je connaisse, puisque c’est ordinairement dès le mois de décembre. À ce moment, le long du Mississipi, ou sur les bords de quelque lac assez rapproché de la lisière des forêts,