Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quoi attribuer ces sons étranges ; mais nous ne tardâmes pas à reconnaître qu’ils provenaient de la perche blanche ; car lorsque le bruit cessait par intervalles, nous n’avions qu’à jeter à l’avant notre filet, pour prendre une certaine quantité de ces poissons délicats.

La nature, parmi ses diverses combinaisons, semble avoir traité cette partie des États-Unis avec une tendresse toute spéciale ; que le voyageur remonte ou descende l’Ohio, il ne peut s’empêcher de remarquer que presque tout le long de son cours, la rivière, sur l’une de ses rives, est bordée de hautes montagnes et d’un terrain à l’aspect abrupt et tourmenté ; tandis que sur l’autre, à perte de vue, s’étendent d’immenses plaines formées des plus riches dépôts d’alluvion. Des îles variées de grandeur et de forme s’élèvent çà et là du sein des eaux, et souvent le courant capricieux vous pousse sur des nappes tranquilles où l’on ne croit plus flotter que sur un lac d’une médiocre étendue. Quelques-unes de ces îles sont considérables et ont de l’importance ; d’autres, au contraire, petites et insignifiantes, ne semblent là que pour le contraste, et seulement pour rehausser l’intérêt général de la scène. Ces petites îles sont fréquemment submergées dans les grandes eaux, et il s’y accumule alors des amas prodigieux de bois flottant. Je l’avoue, ce n’était pas sans un serrement de cœur que nous réfléchissions aux changements que la culture devait bientôt produire sur ces bords ravissants.

Quand arrivait la nuit, plongeant dans les ténèbres les parties plus reculées de la rivière, nos esprits se rem-