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brillantes et variées, et leurs tons d’un carmin bronzé, se mariant aux nuances jaunes du feuillage où se voyait encore un reste de verdure, réfléchissaient, du limpide courant des eaux, un éclat plus vif, des teintes plus délicieuses que jamais peintre de paysage n’en reproduisit, que jamais poëte n’a pu en imaginer.

Les jours étaient chauds encore ; le soleil avait repris cette splendide et ardente couleur qui, dans cette saison, produit le singulier phénomène que l’on connaît sous le nom de l’été indien. La lune avait plus d’à moitié rempli son disque ; et nous nous laissions aller, glissant au courant de la rivière, sans rencontrer d’autre agitation à la surface que celle qu’y faisait naître le mouvement de notre bateau. Tout entiers aux loisirs du voyage, nous passions nos journées, absorbés dans la contemplation du grand et magnifique spectacle que la nature sauvage déroulait autour de nous.

De temps à autre, un gros chat marin[1] montait à fleur d’eau, poursuivant un banc de petits poissons qui sautaient tous à la fois hors du liquide élément comme autant de flèches nacrées, et faisaient l’effet d’une véritable pluie de lumière, tandis que leur ennemi, les mâchoires entr’ouvertes, saisissait les imprudents qui s’étaient attardés, puis, d’un coup de sa queue, faisant jaillir les ondes, disparaissait à notre vue. Nous entendions aussi d’autres poissons qui produisaient un bruit sourd sous notre barque ; et d’abord nous ne savions à

  1. Cat-fish, Pimélode chat (Pimelodus felis, Lacép. ; Siluris felis, Linn.). Voy. pour plus de détails au second volume, la Pêche dans l’Ohio.